Sous la pression – de manifestations, mais également de menaces de mort –, la municipalité de Callac (Côtes-d'Armor) a finalement renoncé à un ambitieux mais contesté projet d'accueil de réfugiés censé donner un nouveau souffle à cette commune rurale du centre-Bretagne.
Dans l'équipe municipale, «c'était tendu à un niveau inimaginable, c'était au bord de la rupture», a expliqué ce 11 janvier à l'AFP le maire (DVG) Jean-Yves Rolland. «Personnellement, j'étais pour le projet mais ce n'était plus tenable, le conseil municipal allait tomber [...] J'assume la décision d'arrêter [...] A un moment, il faut trancher», a-t-il estimé. «C'est dommage qu'on en arrive là [...] C'était un projet humain d'une très grande valeur, sans doute très important pour Callac dans l'avenir», a poursuivi l'édile.
Le maire avait l'intention d'en informer ses administrés dans le prochain bulletin municipal mais l'information «a fuité», a-t-il déploré. «L'équipe municipale, écrivait l'élu dans le bulletin à paraître, décide de mettre fin à sa collaboration avec le Fonds de dotation Merci !», un fonds privé avec lequel une convention avait été signée en avril dernier en vue de mener ce projet d'accueil dénommé «Horizon».
Le maire y qualifiait l'année écoulée de «difficile» pour plusieurs raisons, notamment «à cause du projet Horizon [...] qui a tant défrayé l'actualité à Callac depuis plusieurs mois». «Malgré cela, Callac est, et restera, une terre d'accueil pour toutes nouvelles populations, réfugiées ou pas», promet Jean-Yves Rolland.
Depuis l'annonce du projet Horizon au printemps dernier, des élus ont été soumis à de multiples pressions, y compris des menaces de mort ou des atteintes à leur vie privée.
Deux manifestations, s'appuyant sur un petit groupe d'opposants locaux mais portées notamment le parti Reconquête! d'Eric Zemmour, s'étaient déroulées dans la commune de 2 200 habitants. Elles avaient suscité à chaque fois des contre-manifestations de soutien au projet et de dénonciation de l'«extrême droite».
Les forces de l'ordre étaient intervenues pour tenir les deux camps à distance. «La population est plutôt âgée. Même s'ils n'étaient pas forcément contre le projet, des habitants ont pris peur» face à ces événements, analyse le maire. «C'est un échec, quelle que soit la décision qu'on allait prendre», ajoute-t-il.
Eric Zemmour dit «bravo» à ses militants
Située à mi-chemin entre Guingamp et Carhaix, la commune de Callac, en partenariat avec le Fonds de dotation, devait accueillir sur plusieurs années quelques dizaines de personnes reconnues comme réfugiées par l'Etat et bénéficiant d'une autorisation de séjour de longue durée sur le territoire français.
Grâce à divers équipements prévus, «Horizon» devait bénéficier autant aux habitants qu'aux étrangers accueillis pour qui plusieurs dizaines d'emplois à pourvoir avaient été recensés.
Dans un communiqué, le Fonds de dotation (FDM) «regrette» la décision des élus et «dénonce la campagne de désinformation de groupes et de médias d'extrême droite visant à diviser la population et à déstabiliser le Conseil municipal». Evoquant une «campagne nauséabonde aux relents racistes et antisémites», le Fonds «exprime son soutien à tous les élus de Callac». «Les menaces et les intimidations de l'extrême droite n'arrêteront pas le FDM dans sa détermination à favoriser une société française accueillante et solidaire», affirme le mécène, qui exprime aussi sa volonté de «poursuivre son action en faveur de l'inclusion durable de personnes réfugiées en France, dans une logique de relance économique et sociale de territoires ruraux».
Dans un tweet, Eric Zemmour s'est félicité de l'abandon du projet : «Je veux dire bravo à mes militants qui ont bataillé depuis le premier jour aux côtés de tous les patriotes pour empêcher ce funeste projet de répartition des migrants à Callac.»
Le projet visait à redynamiser ce bourg rural, qui a une longue tradition d'accueil de réfugiés depuis la guerre d'Espagne et a perdu plus de 1 000 habitants depuis les années 60.