«La France défend la liberté de la presse partout dans le monde.» Ce message mis en ligne le 14 décembre sur Twitter par la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, alors qu'elle recevait Dmitri Muratov, rédacteur en chef de Novaïa Gazeta (journal russe qui a arrêté de publier depuis le 28 mars en raison du conflit en Ukraine), et prix Nobel de la paix 2021, s'est attiré les foudres de personnalités et d'internautes, mettant pour certains en avant l'interdiction de diffusion décidée par l'Union européenne au mois de février dernier, et appuyée par les autorités françaises, à l'encontre de RT France et de Sputnik.
«Si ce n'est en France, où RT France est suspendue en l'absence de toute démarche contradictoire, sur la base de reproches vagues et généraux jamais étayés. La "liberté de la presse" est aussi celle de ce qui vous déplaît. Pas celle, toute relative, d'être d'accord avec vous», a par exemple expliqué Jérôme Bonnet, rédacteur en chef chez RT France.
L'écrivain, éditeur et fondateur de l'hebdomadaire Antipresse, Slobodan Despot, de nationalité suisse, a lui répondu ironiquement à la ministre française : «...sauf chez elle.»
Olivier Delamarche, analyste économique et chroniqueur pour l'émission C'est Cash sur RT France, a lui aussi manié l'ironie, considérant visiblement la déclaration de la ministre comme une blague. «Si si elle est bonne !», a-t-il fait valoir.
Mais des internautes ont eux aussi affiché leur mécontentement après le message de la ministre. «C'est ça, donne des leçons à la Terre entière, en particulier à la Russie, en interdisant RT France et Sputnik», a par exemple fait remarquer l'un d'eux.
«Nous on veut pouvoir accéder à RT et Sputnik...», a encore fait savoir une autre. «Absolument vrai ! Raison pour laquelle d’ailleurs RT ou Sputnik ne sont plus autorisé en UE ! Vive la liberté et vive l’Union européenne incorruptible», a également expliqué un troisième. «Super ! Ça doit être pour la liberté de la presse que Sputnik et RT ne peuvent plus s'exprimer...», a enfin commenté un dernier.
RT France, jamais sanctionnée par le régulateur
Pour rappel, peu après le déclenchement de l'opération militaire russe en Ukraine, la Commission européenne avait invoqué la nécessité de couper tous les canaux de diffusion (satellite, Web et réseaux sociaux) en Europe de «la machine médiatique du Kremlin» représentée, selon elle, par RT et Sputnik.
Or, l'UE n'a pas été en mesure, pour appuyer cette décision, de citer la moindre fake news dont se seraient rendus coupables ces médias. Et pour cause : la chaîne RT France n'a jamais été sanctionnée par le régulateur français des médias, l’Arcom (ex-CSA).
RT France a fait appel cet été d'une décision de la justice de l'Union européenne, qui confirmait l'interdiction de diffusion du média au sein de l'UE. L'avocat de RT France avait alors dénoncé une méconnaissance de «la liberté d’expression dont doit disposer, en toutes circonstances, tout média d’information, sous le contrôle de son régulateur national».
En outre, un certain nombre de personnalités médiatiques et politiques sont montées au créneau pour dénoncer cette mesure liberticide et une pétition en ligne contre l'interdiction de RT France a mobilisé plus de 50 000 signataires.
Le 16 décembre, l'UE a publié un texte au Journal officiel, listant les entités ciblées par son nouveau paquet de sanctions et dans lequel figure TV-Novosti, la maison mère des chaînes RT (dont RT France).