Une nouvelle alerte, voire un appel à l'aide, sur la gravité de la situation dans les services pédiatriques. Dans une tribune publiée dans Le Monde ce 30 novembre, 10 000 soignants, parmi lesquels des chefs de service et l’ensemble des représentants des sociétés savantes de pédiatrie en appellent directement au président de la République pour qu'il intervienne sans délai face à la crise qu'affronte l’hôpital. Rémi Salomon, qui avait alerté la semaine précédente sur la gravité de la situation dans les hôpitaux, fait également partie des pétitionnaires.
Mauvais remake de la pandémie de Covid-19
Les soignants avaient déjà interpellé Emmanuel Macron le 21 octobre via une lettre publiée par Le Parisien dans laquelle ils dénonçaient la saturation des services de pédiatrie, en s'alarmant de voir des «enfants quotidiennement en danger» sur fond d'épidémie précoce de bronchiolite. «Tout au long de ce mois, nous avons été confrontés à ce que nous n’osions imaginer», écrivent les signataires en dépeignant «des enfants hospitalisés sur des brancards ou sur les genoux de leurs parents aux urgences [...], des enfants intubés et hospitalisés sans chambre dans le couloir de la réanimation, des prises en charge trop tardives et des soins précaires».
L'épidémie de bronchiolite s’est selon eux «transformée en un mauvais remake de la pandémie de Covid-19», avec son cortège d'annulations de soins et de reports d'opérations, tandis que le levier des transferts vers des régions moins touchées n'est même plus utilisable «car l’épidémie a déferlé partout, saturant l’ensemble des services de pédiatrie français». Côté personnel, «ce sont les infirmiers des réanimations adultes qui viennent à la rescousse», notent les signataires, alors que ces derniers «n’ont jamais soigné un enfant».
«La dernière chance pour arrêter l’hémorragie massive des soignants», selon les signataires
Or, face à cette situation catastrophique et à la différence de la crise du Covid-19, le chef de l'Etat a été absent, selon les soignants. «Vous n’êtes pas apparu pour rassurer les parents, assurer les soignants de votre soutien et de la volonté de sauver l’hôpital public», regrettent-ils. Evoquant les différentes mesures annoncées par le gouvernement, les signataires parlent d'un empilement d'«enveloppes» et de «mesures d’urgence temporaires au fil de la catastrophe». Ils fustigent aussi les menaces proférées par le ministre de la Santé François Braun à l'encontre de médecins qui avaient parlé d'un «tri» des patients, à rebours des «constats unanimes des soignants et des patients».
Evoquant les «Assises de la pédiatrie» annoncés par le gouvernement pour le printemps 2023, les signataires jugent la perspective trop lointaine et qu'il est «indispensable» de prendre des «engagements forts» immédiatement, dont l'instauration d'un plafond du nombre de patients par infirmière et infirmier, le respect des temps de repos et des temps de formation ou encore une meilleure indemnisation du travail de nuit et de week-end.
«Il s’agit de la dernière chance de notre société pour arrêter l’hémorragie massive des soignants qui quittent l’hôpital public, désabusés, épuisés, culpabilisés», affirment solennellement les auteurs de la tribune, qui ne peuvent que constater une hausse de la mortalité infantile dans l'Hexagone alors que sa diminution continue dans la seconde moitié du XXe siècle était «notre fierté nationale». «Dos au mur, la France saura-t-elle sauver ses enfants ?», concluent-ils.
Déjà mal en point, les hôpitaux publics doivent affronter depuis le début de l'automne une épidémie de bronchiolite intense, à laquelle s'ajoute une remontée des contaminations liées au Covid-19 et le début d'une épidémie de grippe, déclarée en métropole ce 30 novembre. Si le ministre de la Santé a annoncé le 2 novembre le déblocage de 400 millions d'euros supplémentaires pour faire face aux difficultés actuelles, de nombreuses voix estiment que la crise de l'hôpital est structurelle : la Fédération hospitalière de France (FHF) a ainsi appelé à «un choc d’attractivité plus pérenne», jugeant que l’hôpital ne serait pas sauvé par «une addition infinie de mesures de sauvetage».