France

Réintégration des soignants non vaccinés : la majorité fait de l'obstruction parlementaire

Les oppositions ont profité de la niche parlementaire pour suggérer le retour des soignants non vaccinés dans les centres de santé. La majorité présidentielle et le gouvernement ont fait de l'obstruction parlementaire pour empêcher la loi de passer.

Les oppositions ont fustigé le 25 novembre les «manœuvres» du camp présidentiel pour empêcher la tenue d'un vote sur la réintégration des soignants non vaccinés au Covid-19, les hôpitaux étant en pleine crise, notamment liée au manque de personnels.

Profitant de la niche parlementaire mensuelle, gauche et droite ont soutenu cette proposition de loi, refusée par la majorité macroniste et l'exécutif. Pour empêcher un vote favorable, ceux-ci ont multiplié les demandes de suspensions de séances, les rappels aux règlements et le dépôt d'amendements jusqu'au bout de la nuit. Le but a été de compromettre la tenue du vote sur ce texte en discussion, que les oppositions semblaient en mesure de pouvoir faire adopter, contre l'avis du gouvernement puisque soutenu par le Rassemblement national (RN), Les Républicains (LR) et une partie de la Nupes. 

La niche parlementaire permet en effet à un groupe d'opposition de fixer l'ordre du jour, et doit s'achever quoi qu'il arrive à minuit, sans possibilité de poursuivre les débats en cas d'examen inachevé d'un texte.

Les macronistes ont réussi leur coup de force comme le confirme la présidente du groupe La France insoumise (LFI) à l'Assemblée, Mathilde Panot : «Du jamais-vu en Ve République ! Le texte visant à réintégrer le personnel soignant suspendu ne sera pas voté. Minoritaire à l'Assemblée, le gouvernement fait de l'obstruction dans notre niche parlementaire. Nous ne les lâcherons pas !»

«Des gens sont en train de mourir chez nous sur des brancards, nous n'acceptons [pas] que les députés de La République en marche [LREM] avec leurs sourires narquois ou que monsieur Véran avec son arrogance légendaire viennent nous mépriser», a également pesté le député LFI de la Martinique Jean-Philippe Nilor.

Assez grave pour notre démocratie

Sur les réseaux sociaux, le groupe parlementaire LFI a d'ailleurs diffusé le type d'amendements que les macronistes ont déposé afin d'allonger les débats et empêcher tout vote. Certains d'entre eux visaient simplement à remplacer un mot par un autre.

Le chef de file des députés LR, a été tout aussi scandalisé par la stratégie macroniste. Lors de son intervention dans l'Hémicycle, Olivier Marleix a qualifié le «spectacle» de «consternant et assez grave pour notre démocratie». «La France est un des tous derniers pays en Europe [...] à ne pas avoir encore réintégré les personnels soignants», a-t-il complété. 

«La majorité, pardon, la minorité gouvernementale [...] a été battue ce soir sur un amendement [...] et là c'est l'affolement dans les groupes Renaissance [ex-LREM] et alliés et on assiste depuis à des manœuvres d'obstruction inacceptables [...] avec une centaine d'amendements déposés par les parlementaires de la majorité et pire que ça, les ministres se sont livrés eux-mêmes à un exercice d'obstruction du travail parlementaire en déposant un amendement», a en outre dénoncé Olivier Marleix. «C'est sans doute la première fois dans la Ve République qu'un gouvernement se prête à un travail d'obstruction pour empêcher l'Assemblée nationale de poursuivre sa mission, vous devriez effectivement avoir honte», a-t-il ajouté, applaudi par la droite et la gauche, LFI comprise.

Les macronistes assument et qualifient les oppositions d'antivax et complotistes 

Dans la même veine, la députée RN Marine Le Pen a qualifié «l’obstruction parlementaire réalisée par le gouvernement» de «scandale démocratique». «Leurs méthodes n’ont pas changé, leur mépris pour la représentation nationale reste intact», a-t-elle poursuivi.

Lors des nombreuses suspensions de séance, des éclats de voix entre députés étaient audibles dans les couloirs de l'Assemblée selon l'AFP. Dépêché dans l'Hémicycle, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a évoqué un «niveau de tension jamais vu en 12 ans au Parlement».

Pour justifier l'obstruction, le ministre de la Santé François Braun a assuré que dans les hôpitaux, les soignants vaccinés disent que «si nous réintégrons les non-vaccinés, ce sont eux qui partent». «Quel signal voulons-nous donner à ceux qui étaient là en première ligne, qui se sont vaccinés ?», a-t-il questionné. Le ministre a d'ailleurs multiplié les tirades pour étendre le débat après minuit.

Le député macroniste Benjamin Haddad n'y a vu pour sa part qu'un «concert de complotisme antivax en hémicycle» en ciblant LFI, RN et une partie des LR. «Vous êtes en train de faire une proposition de loi antivax, complotiste», a appuyé son collègue Sylvain Maillard.

Le 25 novembre lors d'un déplacement à Dijon (Côte-d'Or), Emmanuel Macron a estimé que le retour à l'hôpital des soignants non vaccinés contre le Covid-19 devait être une décision «scientifiquement établie», et «pas un choix politique». «Si les scientifiques, les médecins, les soignants nous disent que c'est souhaitable d'un point de vue scientifique de réintégrer ces soignants, il faut que le gouvernement le fasse», a-t-il argumenté.