France

Les atteintes à la laïcité ont plus que doublé en un mois, annonce Pap Ndiaye

Le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye a publié de nouveaux chiffres montrant une forte augmentation des remises en cause de la laïcité dans les établissements scolaires, les tenues religieuses restant une source de conflits.

Le ministère de l'Education nationale a fait état le 9 novembre de 720 signalements en octobre pour des atteintes à la laïcité, un chiffre qui a plus que doublé par rapport à septembre, avec toujours une forte part des incidents liée au port de tenues religieuses. 313 incidents avaient été comptabilisés au mois de septembre dans les écoles, collèges et lycées.

Ces chiffres étaient auparavant communiqués chaque trimestre, mais leur publication est passée à un rythme mensuel depuis la rentrée, à la demande du ministre de l'Education Pap Ndiaye, qui a promis la «transparence» sur ces sujets qui inquiètent. Au total, 627 incidents avaient été relevés au premier trimestre 2022 (de décembre à mars) et 904 au deuxième trimestre (d’avril à juillet 2021).

Une note des services de l'Etat avait pointé mi-octobre la «multiplication» des atteintes à la laïcité. Elle complétait une alerte déjà émise fin août, qui accusait la «mouvance islamiste» de remettre «en cause le principe de laïcité à l'école» en s'appuyant sur les réseaux sociaux, notamment Twitter ou TikTok.

Le ministère affirme sa volonté de «ne pas mettre la poussière sous le tapis»

Pap Ndiaye a donné «trois explications» à cette forte hausse dans l'émission Quotidien sur TMC : la viralité des vidéos publiées sur TikTok, «l'anniversaire de l’assassinat de Samuel Paty» – le professeur d'histoire-géographie décapité le 16 octobre 2020 par un jeune radicalisé – et le fait que l'on «encourage très fortement les chefs d’établissement à faire remonter tous les signalements» et à «ne pas mettre la poussière sous le tapis», selon la formule du ministre.

Dans le détail, 40% des incidents recensés en octobre le sont pour «port de signes et tenues» religieux, contre 54% en septembre, a précisé le ministère dans un communiqué. L'institution distingue d'ailleurs «le port de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse» du «port de tenues qui ne manifestent pas par nature une appartenance religieuse, comme des jupes ou des robes longues, des abayas et des qamis», ces dernières tenues ayant été à l'origine d'incidents dans une série d'établissements, comme par exemple dans un lycée à Clermont-Ferrand mi-octobre.

Les incidents recensés concernent «principalement les espaces et temps d'activités hors de la classe», et sont essentiellement le fait des élèves (88% contre 82%  en septembre), les incidents impliquant les personnels et les parents d'élèves étant nettement moins nombreux avec respectivement 3% et 7%.

Viennent ensuite les provocations verbales (14%, contre 5% en septembre), la contestation d'enseignement (12%, contre 7% précédemment), la suspicion de prosélytisme (10% contre 8%). Viennent ensuite le refus des valeurs républicaines (9%, contre 2%), les revendications communautaires (6%, contre 7%) et le refus d'activité scolaire (5%, contre 7%). La majorité des faits ont eu lieu en octobre dans des collèges (52% en octobre, contre 36% en septembre) et 37% dans des lycées (contre 51% en septembre).

Enfin, le communiqué du ministère indique que les «équipes académiques Valeurs de la République», constituées au niveau des rectorats pour aider les équipes éducatives à faire respecter le principe de laïcité à l’école, ont reçu 320 «demandes de conseils» en octobre, contre 221 en septembre. 

Un plan de protection de la communauté éducative adopté 

Face à cette hausse des signalements, le ministère a envoyé le 9 novembre aux recteurs d'académie une circulaire, qui devait être publiée le lendemain au Bulletin officiel. Elle prévoit un «plan en quatre axes» pour mieux protéger la communauté éducative : «sanctionner systématiquement et de façon graduée le comportement des élèves portant atteinte à la laïcité lorsqu'il persiste après une phase de dialogue», «renforcer la protection et le soutien aux personnels», «appuyer les chefs d'établissement en cas d'atteinte», et enfin «renforcer la formation des personnels et en premier lieu celle des chefs d'établissement».

Plusieurs syndicats de personnels de direction avaient demandé ces dernières semaines des «consignes claires» pour faire appliquer le principe de laïcité à l'école. Quand un chef d'établissement doit «engager une procédure disciplinaire» qui peut «s'avérer délicate» et qu'il décide de réunir le conseil de discipline, il peut le «délocaliser» dans «un autre établissement ou un service départemental de l'Education nationale» si les circonstances le nécessitent, indique cette circulaire dont l'AFP a obtenu copie.

Le 17 octobre, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait appelé les préfets à épauler l'Education nationale sur les atteintes à la laïcité, afin de «soutenir la communauté éducative dans une indispensable réaction de grande fermeté».