Les points de vue anti-mainstream sur la gestion du Covid-19 ont-ils leur place dans l'espace public français ? Un certain nombre de personnalités des mondes politique et médiatique ont exprimé leur colère et leur inquiétude, après que la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins de Bourgogne-Franche-Comté a prononcé, le 4 novembre, une interdiction temporaire d'exercice de la médecine contre le radiologue Alain Houpert, également sénateur LR de Côte-d'Or. En cause : des «fautes déontologiques» du médecin et élu, en raison de certaines de ses prises de position au cours de la pandémie de Covid-19.
Face à la condamnation d'Alain Houpert, auquel elle a apporté son soutien, la sénatrice LR Laurence Muller-Bronn a revendiqué «la possibilité de douter, de poser des questions, et de [s]’indigner». «Nous sommes dans une société où le doute n’est plus permis. Toute question devient suspecte», a-t-elle déploré.
«Où est encore la liberté de pensée dans notre pays ?», s'est pour sa part insurgé Gilles Platret, maire de Chalon-sur-Saône et vice-président de LR. «Total soutien à mon ami Alain Houpert, à qui il en faudrait bien davantage pour renoncer à son rôle de citoyen engagé et de parlementaire libre !», a-t-il ajouté.
Le président du groupe LR à l’Assemblée nationale Olivier Marleix a également volé au secours de son collègue, considérant en particulier que «sur la prescription du Rivotril hors AMM dans les EHPAD», Alain Houpert avait eu «raison de s’indigner», car il était selon lui anormal «qu’on refuse de soigner des gens sur un critère d’âge».
Où est encore la liberté de pensée dans notre pays ?
Dans la même veine, le sénateur des Bouches-du-Rhône proche d'Eric Zemmour Stéphane Ravier s'est inquiété de «graves dérives à l'encontre de la liberté d'expression des parlementaires cette semaine» – une référence à demi-mot à la sanction infligée le 4 novembre à un député RN.
L'interdiction temporaire d'exercer la médecine pour Alain Houpert a également été perçue comme «une honte» par le leader des Patriotes Florian Philippot et par le patron de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan. Celui-ci voit dans le médecin-sénateur une «victime de l’inquisition» de l’Ordre des médecins de Bourgogne-Franche-Comté.
Du côté des journalistes, André Bercoff considère qu'avec la sanction contre l'élu LR, le «bon sens est désormais coupable par définition». «Le serment d’Hippocrate devient, pour ceux qui choisissent de gagner du fric en baissant leur froc, sermon d’hypocrite», a tweeté l'animateur de Sud Radio.
«La Police de la Pensée a encore frappé», a de même déclaré sur Twitter l'ex-patron de Sud Radio Didier Maïsto, considérant qu'Alain Houpert avait «défendu avec constance des positions courageuses et rationnelles».
A l'aune de cette affaire, l'éditorialiste Alexis Poulin a considéré qu'«être une voix critique» en France devenait «un danger».
Interdiction d'exercer la médecine pour 18 mois, dont neuf fermes
Saisie de trois plaintes, la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des médecins de Bourgogne-Franche-Comté a infligé à Alain Houpert une interdiction d'exercer la médecine de 18 mois au total, dont neuf avec sursis. La partie ferme de la sanction s'exécutera de janvier à septembre 2023, selon les précisions de la chambre, citée par l'AFP.
La première plainte avait été adressée par le syndicat de l'Union française pour une médecine libre, la deuxième par le Conseil départemental de Côte-d’Or de l'Ordre des médecins et quatre médecins, la troisième par le Conseil national de l'Ordre des médecins. Chaque plainte a fait l'objet d'une condamnation à l'encontre d'Alain Houpert.
La chambre disciplinaire a justifié sa décision en dénonçant l'«attitude quasi irresponsable» du radiologue, qui avait signé et relayé sur Twitter le manifeste «Laissons-les prescrire», défendant en mars 2020 un traitement à base de miel, de vitamine D et d'hydroxychloroquine notamment. Ce comportement ne pouvait «que rajouter à la confusion médiatique de l’époque» et «décrédibiliser fortement les actions entreprises par les autorités sanitaires dans le cadre de la lutte contre une pandémie planétaire», a considéré la chambre disciplinaire.
Elle condamne également son apparition dans le documentaire controversé «Hold Up», dans lequel il invite «tous les médecins à se rebeller». Ces propos «doivent être regardés comme une adhésion aux attaques distillées par les opposants des mesures décidées par les autorités sanitaires», a jugé la chambre.
«Une victoire de plus de [l'Union française pour une médecine libre] contre les relais antivax», s'est de son côté réjoui le docteur Jérôme Marty, président du syndicat, à l'annonce de la sanction.
Sollicité par l'AFP, le bureau parlementaire d'Alain Houpert a annoncé que celui-ci «prend acte de la condamnation et n'a pour le moment rien à ajouter». Il dispose d'un délai de 30 jours pour faire appel.
Des prises de position hors des sentiers battus sur la gestion du Covid
A différentes occasions depuis le début de la pandémie de Covid-19, Alain Houpert a exprimé des analyses et formulé des propositions sur la gestion de la crise sanitaire qui allaient à rebours des discours dominants en France.
Entre autres exemples, le 2 décembre 2020, alors que le PDG de Pfizer saluait un «moment historique» avec l'autorisation du vaccin anti-Covid Pfizer/BioNTech au Royaume-Uni, Alain Houpert avait mis en garde contre «un risque d'emballement». «J'ai peur qu'on engage l'Europe, et en particulier les deniers des citoyens européens, vers une catastrophe, une catastrophe économique, une catastrophe sanitaire», déclarait alors le radiologue et sénateur auprès de RT France, faisant valoir un manque de recul sur l'application vaccinale de l'ARN messager.
Au sujet de la politique publique française de santé durant la crise sanitaire, Alain Houpert avait notamment reproché au gouvernement d'avoir «misé sur le tout-vaccin». Selon lui, en effet, le vaccin ne constitue pas le seul moyen de lutter contre une maladie. Il avait également reproché à l'exécutif de diviser les Français en assimilant les opposants au pass vaccinal à des «anti-vaccins».