Entretiens

Gardiens de la Révolution : «En attaquant Daesh, l’Iran a montré la précision de ses missiles»

L'Iran a tiré des missiles sur les positions de Daesh en Syrie. Hamid-Reza Moqaddamfar, conseiller du commandant en chef des Gardiens de la révolution islamique, explique l’importance de cette opération et analyse la situation dans la région.

RT : L'Iran a annoncé que tous ses missiles récemment tirés vers la Syrie avaient frappé avec précision les positions de Daesh. La République islamique envisage-t-elle d'intensifier le combat contre Daesh ?

Hamid-Reza Moqaddamfar (H. M.) : Le principal but de cette annonce, selon laquelle les missiles ont réussi à atteindre leurs cibles, était de montrer que nos missiles et nos armes sont suffisamment perfectionnés pour atteindre nos objectifs opérationnels. Lors des tests de ces missiles, les Etats-Unis et certains pays occidentaux ont pu affirmer que l'Iran mentait sur ses succès, s'efforçant de créer l'impression que les Iraniens n'avaient pas de telles capacités, que leur missiles ne pouvaient atteindre leurs objectifs avec précision. Avec cette frappe, nous avons démontré à quel point nos missiles étaient fiables. C'était là le principal message.

RT : L'Iran envisage-t-il de prendre des mesures après les récentes attaques à Téhéran ?

H. M. : Tout dépend de la situation. Les circonstances imposent des actes. Mais ces tirs de missiles sont un exemple. Ils pourraient constituer un tournant, être appelés à se répéter. Mais les circonstances détermineront si une attaque similaire doit avoir lieu ou non.

L’Iran et la lutte contre le terrorisme

RT : Récemment, et pour la première fois, Daesh a mené deux attaques terroristes contre l'Iran. Pensez-vous que ces attentats aient pu être principalement motivés par la défaite qui se profile pour le groupe terroriste en Syrie et en Irak ? Pensez-vous que les terroristes sont dans une logique de vengeance ?

H. M. : A mon avis, ces attaques ne sont pas totalement liées aux défaites de Daesh en Irak et en Syrie. Ils ont déjà, par le passé, considéré l'Iran comme leur principale cible. De nombreux groupes avaient prévu d'entrer en Iran pour y réaliser des attentats, mais cela n'est pas arrivé. Ce n'était pas à cause de leurs défaites à Mossoul et Alep, mais tout simplement parce qu'ils n'y étaient pas arrivé. Leur récente opération en Iran a également été un échec. L'objectif principal était le parlement iranien. Ils voulaient assassiner des parlementaires, en vain. Ils ont fait souffrir des gens ordinaires à l’accueil du parlement.

RT : Vous voulez dire qu'ils n'en étaient pas à leur première tentative de mener des actes contre l'Iran ?

H. M. : Non, ce n'était pas la première fois. Ils ont envoyé des dizaines de groupes. Aucun n'a réussi.

L'Iran et les Etats-Unis

RT : Donald Trump a récemment accusé l'Iran de soutenir le terrorisme. Qu'en pensez-vous?

Ce qui importe le plus est que les Américains ont créé Daesh de leurs propres mains

H. M. : Ce n'est pas nouveau. Comme auparavant, à chaque fois que les Américains veulent exercer une pression sur l'Iran, imposer de nouvelles sanctions et faire quelque chose dans la région voire au-delà, ils accusent l'Iran de soutenir le terrorisme. Mais je pense que, dans l’état actuel des choses, l'opinion publique ne l'accepte plus. Le monde s'est rendu compte que les Etats-Unis, en dépit de la coalition contre Daesh et le terrorisme en Irak et en Syrie en particulier, ne combattent pas le terrorisme mais, de fait, le soutiennent. C'est toujours le cas. Ils ne peuvent pas, en même temps, s’opposer au terrorisme et accuser l'Iran.

De nos jours, le monde sait que l'Iran est le pays qui a le plus souffert du terrorisme dans les années 1980, que ses scientifiques nucléaires ont été victimes du terrorisme. Le  terrorisme a infligé un énorme préjudice au peuple et à la République islamique. Et, aujourd'hui, la République islamique paie un prix élevé pour avoir fait face au terrorisme. Les Américains ne peuvent tout simplement pas mettre le terrorisme sur le dos de l'Iran.

RT : Selon certains rapports, des responsables militaires iraniens auraient déclaré avoir des documents démontrant le soutien américain à Daesh. L'Iran envisage-t-il de publier ces documents ?

H. M. : Oui. Il est prévu de publier ces documents. Cependant, ce ne sont pas des documents sous forme écrite ou quelque chose comme des contrats, qui pourraient être diffusés sous forme de textes. Ces documents couvrent des aspects du terrain, ils indiquent où les Américains sont venus en aide à Daesh. Armes, assistance logistique et médicale... voilà en quoi tient le soutien américain à Daesh.

Ce qui importe le plus est qu’ils ont créé Daesh de leurs propres mains. Ils ne peuvent cacher ce fait. Mais même aujourd'hui, alors qu'ils prétendent «avoir commis l'erreur de le créer et vouloir le détruire»... ils mentent encore. De nombreux documents le prouvent.

Que l'Arabie saoudite ait été le plus grand soutien au terrorisme n'est aucunement un secret

Sur l’influence américaine au Moyen-Orient

RT : Pour beaucoup, Trump est un pantin des Saoudiens et que les Américains soutiennent l'Arabie saoudite, pays connu pour être l'un des principaux sponsors du terrorisme sunnite. Comment voyez-vous les relations entre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite ?

H. M. : Je pense que les Etats-Unis se sont récemment mis à considérer leurs liens avec l'Arabie saoudite sous un seul angle. C'est insensé de la part de Trump. Il n'a cherché qu'à traire la vache à lait, n'a pensé qu'au business. En outre, ces bonnes relations étaient déjà en place, mais ses erreurs, son ignorance, ont engendré un certain nombre de problèmes. Grâce à des relations plus profondes qu'avant, Donald Trump a empoché une grosse somme d'argent – cela a été une grande réussite. Mais la société américaine a été confrontée à un défi idéologique et intellectuel à cause du comportement américain à l'égard d'un régime dictatorial où la démocratie n'a aucun sens, où aucune élection n'a lieu et où le peuple ne compte pas. Le premier problème est lié au fait que Donald Trump choisissent un tel pays pour son premier voyage après son élection. L'autre problème est que ce pays prétend combattre le terrorisme. Que l'Arabie saoudite ait été le plus grand soutien au terrorisme n'est aucunement un secret.

Aujourd'hui, de nombreux pays arabes se plaignent des actions non professionnelles et radicales de l'Arabie saoudite

Un autre problème est que le régime saoudien est aujourd'hui confronté à une série de troubles intérieurs et ce notamment au sein de son leadership et des cercles royaux. Il existe, par exemple, des différends entre les princes. La visite de Trump a eu lieu alors que ces problèmes se développaient et en a suscité encore plus. Comme vous le savez, il y a des disputes entre pays arabes. Ils ont leurs prétentions. L'Arabie saoudite a la prétention d'être le leader du monde arabe, mais cela n'a jamais été le cas. Après le voyage de Donald Trump, la crise entre le Qatar et l'Arabie saoudite (et d'autres pays de leur camp, comme l'Egypte) est passée au premier plan. 

En fin de compte, le voyage a eu quelques avantages matériels pour les Etats-Unis, mais il va être à l'origine de problèmes pour la diplomatie américaine, dans différents domaines et dans un avenir proche. Nous pouvons voir son impact dans les points de vue exprimés par certaines élites américaines : ils ont des objections. Pas seulement les démocrates, mais toute l'élite est opposée à ce type de comportement, qui peut engendrer des problèmes dans de nombreux domaines.

RT : Les politiques américaines exacerbent-elles les tensions au Moyen-Orient ?

H. M. :Les politiques américaines ont un impact négatif la sécurité régionale. Elles ont certainement un effet négatif. Ce qui importe le plus, cependant, est que les Etats-Unis n'ont plus l'influence qu'ils ont eu, ils ne peuvent plus manipuler les équations régionales. Ils ont perdu leur emprise, leur influence dans la région a disparu. Ils doivent s'associer désormais à des pays comme  l'Arabie saoudite, dont tout le monde dans la région connaît le sombre rôle dans le soutien au terrorisme. Avec une telle association, les Etats-Unis ne peuvent pas conserver l'influence qu'ils avaient, ils ne peuvent que collecter l'argent et partir. 

Sur les relations saoudo-iraniennes

RT : Y a-t-il une possibilité de conflit entre l'Iran et l'Arabie saoudite ?

H. M. : Non. Il n'y a pas de possibilité de conflit. Aujourd'hui, de nombreux pays arabes se plaignent des actions non professionnelles et radicales de l'Arabie saoudite. Ils considèrent l'Arabie saoudite comme n'ayant pas d'expérience. Beaucoup de grandes puissances ont livré leur analyse selon laquelle les conditions ne sont pas propices pour une action militaire. Ils n'ont pas plus la détermination qu'ils avaient auparavant sur la question. Ils arriveront aux conclusions nécessaire après les frappes de l'Iran contre les terroristes takfiristes en Syrie. Les personnes inexpérimentées qui gouvernent l'Arabie saoudite n'ont pas la volonté et la détermination pour déclencher une guerre contre l'Iran. Ils manquent de courage et de pouvoir. Je ne pense pas qu'ils puissent arriver à une telle conclusion, même si toutes les puissances mondiales les soutenaient.

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