Economie

Trop de bureaucratie ou pas assez d’écologie ? La PAC bloquée à Bruxelles

Il n'y a pas eu d’accord à Bruxelles ce 28 mai sur le financement de la politique agricole commune de l’UE. Les ministres représentant les Etats membres veulent moins de comptes à rendre, et les eurodéputés plus d’écologie.

Le Conseil européen a annoncé ce 28 mai que les eurodéputés et les représentants des Etats membres avaient échoué à trouver un accord sur la nouvelle Politique agricole commune (PAC) destinée à «verdir» l'agriculture européenne à partir de 2023. Les pourparlers devraient reprendre en juin, à une date encore non précisée.

Cité par l’AFP, l’organe informel de l’exécutif bruxellois présidé par le Belge Charles Michel précise qu’après trois jours de négociations, «un nombre de sujets cruciaux restent non résolus».

Une nouvelle proposition des ministres européens de l'Agriculture, réunis en milieu de semaine à Bruxelles, a été jugée par les eurodéputés encore trop éloignée de leurs revendications environnementales et sociales.

Les Vingt-Sept avaient approuvé en octobre 2020 la réforme de la Politique agricole commune, avec un budget de 387 milliards d'euros pour sept ans, dont 270 milliards d'aides directes aux agriculteurs, mais ils doivent impérativement s'entendre avec le Parlement européen.

Or, les négociations achoppent sur un dossier-clé, celui des «écorégimes», les primes accordées aux agriculteurs participant à des programmes environnementaux exigeants. Les eurodéputés réclament qu'ils représentent au moins 30% des paiements directs aux agriculteurs. Les Etats se sont dits prêts à accepter un seuil de 25%, mais des blocages subsistent aussi sur l'éventuelle période de transition pour le mettre en place.

Les ministres proposent en outre de réallouer des fonds non utilisés sur ce pourcentage, au grand dam des parlementaires, qui redoutent que ce mécanisme ne conduise à moins doter ces écorégimes. Les Etats veulent aussi rester libres d'en définir le contenu tandis que les eurodéputés réclament leur encadrement strict et l'alignement des politiques nationales sur les stratégies environnementales et climatiques européennes (Pacte vert, objectifs de cultures bio, réduction chiffrée des pesticides...).

«Durabilité économique» vs «durabilité environnementale»

«Nous voulons conclure un accord, mais pas à n'importe quel prix», a expliqué le 28 mai au matin la ministre portugaise Maria do Céu Antunes, qui négocie au nom des Etats. Quant à son homologue allemande Julia Klöckner, elle estime que «les agriculteurs ne doivent pas être ensevelis sous la bureaucratie».

L'eurodéputé vert Martin Häusling dénonce une «radicalisation de la position» des ministres. Mais son homologue française, Anne Sander, négociatrice du Parlement et membre du groupe PPE semble abonder en faveur des ministres réticents en déclarant : «Chacun doit faire preuve de responsabilité, sans durabilité économique (des revenus des agriculteurs), pas de durabilité environnementale et climatique.»

Enfin, les Etats refusent aussi de conditionner les subventions aux agriculteurs au respect de normes sociales.

Le Copa-Cogeca, fédération des syndicats agricoles majoritaires européens, s'alarme de la tournure des débats. Sa présidente, l’éleveuse de porcs française Christiane Lambert, qui coiffe aussi la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), estime ainsi qu’«avec une baisse des revenus continue et une rude concurrence internationale, les agriculteurs auront du mal à mettre en œuvre ces exigences environnementales majeures».