Les ministres des Finances ainsi que les gouverneurs de Banques centrales des pays du G20 se réunissaient virtuellement ce 7 avril. En plus de l’aide aux pays pauvres, les participants devaient débattre de la proposition de la nouvelle secrétaire au Trésor des Etats-Unis, Janet Yellen, qui souhaite négocier un taux d’imposition minimum des sociétés au niveau mondial. En début de semaine, elle avait expliqué vouloir ainsi mettre fin à «30 ans de course à la baisse des taux d'imposition des sociétés».
Le projet américain consisterait, dans le cas où des entreprises auraient établi des filiales dans un pays à faible niveau d’imposition, à taxer leurs bénéfices au-delà du taux local en établissant un taux minimum d'imposition à l'échelle internationale. Le but serait, sans dicter aux Etats leur politique fiscale, de réduire l’avantage pour les multinationales de choisir de domicilier leurs bénéfices dans les pays les plus accueillants.
Les Etats-Unis, tout comme les économies développées, cherchent aussi à taxer les revenus provenant de sources intangibles telles que les brevets pharmaceutiques, les logiciels et les redevances sur la propriété intellectuelle, qui eux aussi sont souvent rapatriés vers des structures domiciliées dans les pays présentant la fiscalité la plus attractive.
L’administration Trump avait déjà ouvert la voie avec la fiscalité sur les GILTI, acronyme – à prononcer «guilty» – de Revenu global intangible faiblement taxé, qui prévoyait un taux de 10,5%, soit la moitié du taux d’imposition aux Etats-Unis, ramené à 21% après la grande réforme fiscale de 2017.
Vers un taux minimal à 21% ?
La nouvelle administration, qui souhaite relever le taux d’imposition des sociétés aux Etats-Unis à 28%, pencherait plutôt pour un taux minimum global de 21%. De plus, alors que l’administration précédente avait fait le choix d’une réforme strictement nationale taxant les «revenus intangibles» des seules entreprises à capital américain, la nouvelle administration semble privilégier la piste d’un accord mondial avec les 140 Etats participants à la démarche lancée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Olaf Schulz, le ministre allemand des Finances, s’est d’ores et déjà déclaré «ravi» de cette initiative et a dit être persuadé qu’elle permettrait de mettre un terme «à la course mondiale vers le bas en matière de fiscalité». Il a ajouté que tout accord devrait inclure des règles sur la façon de taxer les entreprises transfrontalières des géants de la technologie numérique, ce qui constitue le deuxième objectif des négociations fiscales internationales parallèlement en cours à l’OCDE.
Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, qui s'était heurté à l'administration de l'ancien président américain Donald Trump à propos de la fiscalité internationale, a déclaré à son tour qu'il se félicitait de la proposition de Janet Yellen. «Un accord mondial sur la fiscalité internationale est désormais à portée de main. Nous devons saisir cette opportunité historique», a-t-il déclaré.
En coulisses, une source à Bercy a déclaré à Reuters que la proposition de Janet Yellen ajouterait une impulsion aux négociations de l'OCDE. «Nous pensons que le changement de position de l'administration américaine [qui s’était retirée en juin des négociations de l’OCDE] peut donner un nouveau souffle aux négociations avec les pays européens avec des taux extrêmement bas», a ajouté sous couvert d'anonymat cette source, dans une allusion transparente à l’Irlande.
Mauvaise nouvelle pour l'Irlande
En revanche, le ministre irlandais des Finances, Paschal Donohoe, s'est dit préoccupé par la manière dont un taux minimum mondial affecterait une économie plus petite comme celle de l'Irlande, qui a choisi un modèle à faible taux d'imposition (12,5%) pour attirer les investissements internationaux. Il a toutefois reconnu : «Les catalyseurs de ce changement ont été suralimentés par l'effet de la pandémie parce que les grandes économies du monde entier se concentrent désormais sur les moyens d’augmenter leurs recettes fiscales dans les années à venir.»
Enfin, l’Indo-américaine Gita Gopinath, chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), a pour sa part exprimé le soutien de longue date de l’Institution monétaire à un impôt minimum, jugeant que l’optimisation fiscale était une «grande préoccupation» pour l’économie mondiale.
Pour autant, il semblait peu probable qu’un accord soit trouvé aujourd’hui et un projet de communiqué final consulté par Reuters se contentait de proclamer : «Nous poursuivrons notre coopération pour un système fiscal international équitable, durable et moderne à l'échelle mondiale.»