Economie

Biden veut augmenter les impôts des entreprises pour financer son giga plan d’infrastructures

Pour trouver les 2 000 milliards de dollars à investir dans les infrastructures afin de créer des «millions d’emplois», Joe Biden a prévu une hausse de l'impôt sur les sociétés à 28%. Il reviendrait ainsi sur la forte baisse décidée par Donald Trump.

«Il ne s’agit pas de pénaliser qui que ce soit. Je n'ai rien contre les millionnaires et les milliardaires», a déclaré le président des Etats-Unis Joe Biden, dans un discours prononcé depuis Pittsburg, où deux ans plus tôt il avait démarré sa campagne. Mais, plaidant pour une vaste réforme fiscale, il s'est par exemple offusqué qu'un enseignant ou un pompier soient assujettis à un taux d'impôt de 22% quand «Amazon et d'autres ne paient aucun impôt fédéral».

Pour défendre un relèvement du taux d’imposition actuel sur les bénéfices des sociétés de 21% à 28%, le président a fait remarquer que ce taux serait de toute façon inférieur à ce qu'il a été entre la Seconde Guerre mondiale et 2017.

En place depuis 1909 dans le pays, le taux d’imposition est monté jusqu'à 52,80% en 1968 avant de redescendre quasiment sans discontinuer. Cela placerait malgré tout les Etats-Unis parmi les Etats de l'OCDE avec le plus fort taux d'imposition après la Colombie (32%), l'Australie, le Mexique et le Portugal (30%) et au même niveau que la France en 2020 pour les entreprises jusqu’à 500 000 euros de bénéfices.

Mais une récente étude d'une commission du Congrès montre que les entreprises paient en général moins que le taux officiel et qu’elles étaient en moyenne assujetties à un taux moyen de 16% avant la réforme de de Donald Trump, et de 8% ensuite.

Comme en France, les entreprises peuvent notamment utiliser un crédit d'impôt recherche et développement (R&D) pour abaisser leurs taxes, une possibilité ardemment défendue sur Twitter par le vice-président d'Amazon, Jay Carney. Pour cet ancien porte-parole de la Maison Blanche sous le président Barack Obama : «Si le crédit d’impôt R&D est une "niche fiscale", c'est certainement une niche que le Congrès a sciemment décidée.» Jay Carney a aussi rappelé que cette mesure existait depuis 40 ans et qu’elle avait été rendue permanente par une loi signée par Barack Obama en 2015.

 

Le patronat s’opposera «avec force»

La Chambre américaine du commerce a quant à elle estimé que les propositions de financement étaient «dangereusement malavisées» et qu'une hausse des impôts ralentirait la reprise économique et rendrait les Etats-Unis moins compétitifs. L'organisation Business Roundtable, qui réunit les plus grandes entreprises du pays, a de son côté indiqué qu'elle s'opposerait «avec force» à toute hausse des impôts.

Parmi les autres mesures envisagées, l'administration souhaite décourager les délocalisations et l'évasion fiscale en imposant par exemple un taux minimum de 21% sur les revenus mondiaux, qui impliquerait une collaboration fiscale avec les autres pays. Le projet prévoit par ailleurs d'augmenter les ressources des services fiscaux pour lutter plus efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales, et d'éliminer des subventions aux industries du pétrole et du gaz ainsi que plusieurs niches fiscales. L'ensemble de mesures fiscales devrait, selon la Maison Blanche, permettre de financer le plan sur les infrastructures en 15 ans.

Cité par l’AFP, Dean Baker, économiste et co-fondateur du Center for Economic and Policy Research (Centre pour la recherche économique et politique) basé à Washington, estime que la hausse de l'impôt sur les sociétés proposée par Joe Biden «n'est pas un grand saut dans l'inconnu» et souligne que les réductions d'impôts proposées par Trump sont récentes dans l’histoire fiscale des Etats-Unis. Il rappelle aussi que la décision de Donald Trump, devait s'accompagner d'une réduction drastique des niches fiscales et d'une augmentation importante des investissements des entreprises, ce qui n'a pas été le cas, selon lui.

D’autres spécialistes de la fiscalité basés dans la capitale fédérale et interrogés par l’agence sont convaincus que «les multinationales et leurs actionnaires vont bénéficier de l'amélioration des infrastructures, actuellement déclinantes», comme Chuck Marr du Center on Budget and Policy Priorities (Centre sur les priorités budgétaires et politiques). Enfin, Thornton Matheson, du Centre Urban-Brookings, concède qu’une hausse des impôts pourrait avoir un impact sur l’attractivité du pays pour des entreprises étrangères, mais souligne que les Etats-Unis «restent une grande économie dynamique qui peut supporter d'avoir un taux d'imposition moyen un peu plus élevé que des pays plus petits».