En fin de semaine, le 9 octobre, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné en référé la «suspension» de l'opération d'acquisition, par le géant de l'eau et des déchets Veolia, des actions de son concurrent Suez, détenues par l'énergéticien Engie, ainsi que de l'OPA à venir de Veolia sur Suez.
L’opération est suspendue tant que les comités sociaux et économiques (CSE) de Suez et de sa filiale Suez Eau France n’auront pas étés «informés et consultés [sur les] décisions déjà prises», selon l'ordonnance de référé consultée par l’AFP.
Dès le 22 septembre, ils avaient saisi le Tribunal de Paris, mais lors de l’audience de référé du 29 septembre, le Tribunal de Paris mit sa décision en délibéré. Ce n’est finalement que quatre jours après le vote du conseil d’administration d’Engie, déclenchant la vente précipitée de ses actions Suez à Veolia, que la cour rendit sa décision suspensive. Décision qui s’étend toutefois à l’OPA prévue par Veolia sur le reste des actions.
L’énergéticien Engie et Veolia ont immédiatement annoncé qu'ils allaient faire appel et «un porte-parole d'Engie» cité par l’AFP a estimé que cette décision n'aurait «pas d'impact sur la transaction». L’agence rapporte également des déclarations de Veolia qui souligne que la décision «ne remet pas en cause la propriété des actions acquises par Veolia le 6 octobre dernier» et va jusqu’à estimer qu’elle «n'a pas de fondement juridique».
Une contestation en justice «parfaitement ubuesque»
A l’appui de cette dernière déclaration, Veolia fait remarquer que «Suez n'a pas engagé de procédure d'information-consultation vis-à-vis de ses instances représentatives du personnel puisque sa direction s'oppose au projet» et estime que «faire porter sur Veolia la responsabilité du défaut de l'organisation d'une telle consultation est donc parfaitement ubuesque puisque le groupe n'avait manifestement pas ce pouvoir».
Quant à Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise, il s’est réjoui sur Twitter de ce que «les syndicalistes défendent l'intérêt général contre ceux qui l'abandonnent depuis le sommet de l'Etat», ajoutant : «Grâce à eux, Veolia est bloquée.»
Le 5 octobre, le conseil d'administration d'Engie, actionnaire principal de Suez, avait décidé d'accepter l'offre de Veolia, qui expirait à minuit, et de lui vendre l'essentiel de ses parts (29,9%) dans son concurrent Suez pour 3,4 milliards d'euros, passant outre l'opposition déclarée des représentants de l’Etat qui possède 22% d'Engie. L'Autorité des marchés financiers (AMF) a pris acte de cette cession, survenue dès le lendemain, le 6 octobre.
«Une procédure plus longue»
Interrogé par l’AFP sur la décision du Tribunal de Paris rendue le 9, l'analyste responsable de la recherche de Saxo Banque (spécialisée dans les opérations de marché) a estimé qu’«a priori» elle ne remettait pas en cause la transaction, mais induisait «une procédure plus longue».
«Cela veut dire que ça ne peut pas aller plus loin dans l'immédiat», a estimé pour sa part à l'AFP Valérie Dolivet, avocate des CSE de l'Union économique et sociale de Suez, citée par l’AFP.
Non! Messieurs Clamadieu et Frérot vous n'êtes pas au-dessus du Code du travail et des lois de la République!!!
Quant à Franck Reinhold von Essen, secrétaire (CGT) du comité d'entreprise européen de Suez, il s'est déclaré «soulagé qu'on puisse avoir la possibilité [sic] d'accéder au dossier et d'être informés et consultés si l'OPA hostile devait arriver à terme».
Mol accompagnement de la Bourse
Enfin, l'intersyndicale de Suez (CFE-CGC, CFDT, CFTC, CGT et FO) a réagi dans un communiqué interpellant les président d’Engie et Veolia : «Non! Messieurs Clamadieu et Frérot vous n'êtes pas au-dessus du Code du travail et des lois de la République!!!». Elle a également sans ambiguïté répété son opposition à la suite prévue de l’opération défendue par Veolia et Engie en concluant : «L'OPA Veolia, on n'en veut pas!»
A la Bourse de Paris, les titres des trois entreprises liées par l'opération ont brusquement chuté après l'annonce de la décision de justice, avant de reprendre un peu de force. A la clôture, Veolia a perdu 0,92% à 18,75 euros, Suez a cédé 0,62% à 15,90 euros et Engie gagné 0,08% à 12,14 euros. A la reprise des cotations ce 12 octobre dans la matinée, les trois entreprises reprenaient très légèrement à la hausse vers leurs cours précédant la décision du Tribunal de Paris.