Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a appelé, le 4 octobre, les groupes Veolia et Suez «à reprendre leurs discussions dans les prochaines heures afin de parvenir à un accord amiable», dans une déclaration par téléphone à l’AFP.
Le ministre y fait état de discussions intenses ce week-end entre les deux groupes, qui se sont livrés à une nouvelle passe d'armes par communiqués interposés. Pour Bruno Le Maire : «Ces progrès montrent qu'un accord est possible entre Veolia et Suez sur la cession de l'actif d'Engie dans Suez dans les prochaines heures.»
Le groupe Veolia – anciennement Vivendi et auparavant Générale des eaux – qui domine au niveau mondial les services de fourniture d’eau, de traitement des déchets et d’autres services aux collectivités, a offert 3,4 milliards d'euros pour racheter 29,9% du capital de Suez à Engie. Le groupe énergétique, dont l'Etat est actionnaire à hauteur de 23,6%, doit se prononcer au plus tard ce 5 octobre.
Impact sur l'emploi, la souveraineté et les prix
«La position de l'Etat est constante : nous souhaitons que Veolia et Suez trouvent un terrain d'entente et définissent un accord amiable qui est le seul à même de préserver les intérêts des salariés et les intérêts industriels de la nation», a déclaré Bruno Le Maire. L'Etat est l’actionnaire majoritaire d’Engie, dispose de trois sièges à son conseil d'administration et peut donc influer sur la décision, mais il ne peut exercer de veto.
En face, les dirigeants de Suez, la filiale d’Engie, ont jusqu’ici mené un combat acharné pour empêcher ce rachat. Ils ont notamment transféré une partie de leurs actifs à une fondation aux Pays-Bas, visant à rendre impossible pour plusieurs années leur cession à Veolia. Ce 5 septembre, les dirigeants de Suez, cités par l'AFP, ont persisté à rejeter ce projet qu'ils jugent «hostile» et ont prévenu qu'ils mettraient en œuvre «tous les moyens à [leur] disposition pour éviter une prise de contrôle rampante ou un contrôle de fait».
De plus, les oppositions à ce projet, ou les appels à temporiser sont multiples. Ainsi, le même jour, le député LREM Pierre Person doit déposer une proposition de loi visant à interdire les OPA hostiles pendant la crise sanitaire. Il a aussi fait part au ministre de l'Economie de son hostilité à la «fusion forcée» Veolia-Suez, dans un courrier daté du 3 octobre et signé par une quarantaine de parlementaires.
Sur son compte Twitter, il avance que «150 ans d'histoire industrielle ne peuvent pas être tranchés en cinq jours par un conseil d’administration» et que cette fusion «aura un impact sur l’emploi, l’innovation, la souveraineté mais surtout le prix de l’eau et des déchets payés par [les citoyens]».
Ces préoccupations avaient déjà été exprimées, il y a quelques jours, par quelque 70 élus de toutes formations politiques à l’exception de LREM dans une tribune où ils demandaient à être consultés «avant toute décision sur ce dossier».
Les CSE déposent un référé
L'intersyndicale de Suez est, elle, franchement hostile à l'offre d'achat de Véolia. Dans un communiqué daté du 3 octobre et cité par l’AFP, elle a prévenu qu'elle «combattrait jusqu'au retrait» la proposition de Veolia. Fin septembre, les comités sociaux et économiques (CSE – instances de représentation du personnel) de Suez et Suez eau ont saisi la justice en référé, et la décision du Tribunal de Paris n’est pas attendue avant le 9 septembre.
Ce 5 octobre, l'intersyndicale CFE-CGC, CFDT, CFTC, CGT, FO du groupe Suez a aussi demandé à l’Etat de «surseoir à sa décision» et a réclamé la tenue d'une commission d'enquête parlementaire.
Enfin, le 3 octobre, Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’Economie et des Finances sous François Hollande, a rendu publique une lettre adressée au Premier ministre Jean Castex, dans laquelle il évoque une «fusion forcée». Arnaud Montebourg, tout comme le député Pierre Person, fait référence à l’histoire de Suez pour dénoncer «une opération financière visant à faire disparaître un concurrent mondial sérieux, avec une expertise héritée de 150 ans d’histoire».