«Par principe, l'UE s'oppose à l'imposition de sanctions à l'encontre de toute entreprise de l'UE exerçant une activité légitime», a déclaré le commissaire européen au Commerce Phil Hogan cité par l’AFP. Le ministre des Affaires étrangères allemand Heiko Maas a écrit sur Twitter : «La politique énergétique européenne est décidée en Europe et non aux Etats-Unis. Nous rejetons par principe les interventions et les sanctions extérieures ayant des effets extraterritoriaux.»
Le ministère de l'Economie a déclaré à l'AFP prendre «note avec regret du vote de la Chambre des représentants américaine». «Notre position concernant les sanctions extraterritoriales est claire : nous les rejetons», a ajouté le ministère. Carsten Schneider, un responsable du parti social-démocrate, allié des conservateurs d'Angela Merkel au gouvernement, s'est montré encore plus direct : «les Etats-Unis sont désormais de retour dans le Far West, où seule la loi du plus fort s'applique ». Et pour Joachim Pfeiffer, député conservateur, il s'agit d'un «acte hostile».
L'émoi est grand aussi dans le monde économique. La Chambre de commerce et d'industrie germano-russe (AHK) a appelé les partenaires européens du projet à réagir «par des contre-mesures ciblées, [car] l'indépendance énergétique de l'Europe est en jeu». Un argumentaire similaire avancé par l'AEB, principal représentant des entreprises européennes en Russie : «L'Union européenne doit déterminer sa propre politique énergétique et ses relations commerciales, et aucun tiers ne doit donc l'influencer.»
Ce gazoduc, qui doit théoriquement entrer en service avant la fin de l'année, doit passer sous la mer Baltique. Mais depuis des mois les Etats-Unis et certains Etats de l’Union européenne, en particulier la Pologne, tentent de bloquer ce projet pour des raisons présentées comme politiques. Ainsi la mise en service de ce nouveau gazoduc risquerait d’accroître la dépendance des Européens au gaz russe ; soit renforcer l'influence de Moscou, tout en affaiblissant l'Ukraine, sur le territoire de laquelle transite jusqu'ici une grande partie du gaz russe.
«La politique énergétique européenne est décidée en Europe et non aux Etats-Unis»
Mais en Allemagne, hommes d’affaires et ministres avancent depuis longtemps que la volonté de prendre pied sur le marché européen du gaz, malgré une offre non compétitive, motive pour une large part l’hostilité des Etats-Unis à ce projet.
Ces sanctions américaines contre Nord Stream 2, agitées depuis de long mois, se sont concrétisées après l'adoption dans la nuit de mercredi à jeudi du budget défense américain pour l’année fiscale 2020 par la Commission des forces armées de la Chambre des représentants.
Il prévoit notamment des sanctions contre les entreprises européennes participant ou ayant participé à la construction des gazoducs Nord Stream 2 et Turkish Stream dans le cadre des mesures «visant à contenir la Russie».
Loi de progammation militaire «pour contenir la Russie»
Cette proposition doit encore être soumise à l'aval du Sénat et du président Donald Trump, fondamentalement opposés à la construction de ce pipeline.
Le projet de loi américain exige que le département d'Etat américain communique dans les 60 jours les noms des entreprises et des personnes qui ont participé à la pose de conduits pour Nord Stream 2. Les sanctions prévues par ce texte comprennent le gel des avoirs et la révocation des visas américains pour les entrepreneurs liés au gazoduc.
L'une des principales cibles est Allseas, une entreprise suisse propriétaire du plus grand navire de pose de pipelines du monde, le Pioneering Spirit, engagé par Gazprom pour construire la section offshore.
Déjà construit à plus de 80%, ce gazoduc représente un investissement d'une dizaine de milliards d'euros, financés pour moitié par Gazprom et pour l'autre moitié par cinq sociétés européennes (OMV, Wintershall Dea, Engie, Uniper et Shell).