Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le constructeur aéronautique européen a livré 389 appareils sur les six premiers mois de l'année. Un chiffre en hausse de 28% sur un an. Boeing a pour sa part enregistré une baisse de 37% par rapport à la même période l’an dernier avec 150 livraisons de moins que son concurrent. C'est la première fois depuis 2011 qu'Airbus devance Boeing sur cet indicateur de la rentabilité dans l'aéronautique, et qu'il est en passe de lui ravir, cette année, la couronne de premier constructeur aéronautique mondial aussi bien par le nombre de livraisons que de commandes.
Porté par le segment de l'avion moyen-porteur, l’avionneur européen a battu ses propres records. Les revenus d’Airbus ont ainsi augmenté de 24% au premier semestre 2019 pour atteindre 30,1 milliards d’euros, tandis que le bénéfice net s’élevait à 1,2 milliard d’euros, contre 496 millions d’euros pour la même période de l’année dernière.
Ces résultats font suite à l’annonce, le 30 juillet, par Air France-KLM d’une importante commande de 60 nouveaux A220, les Airbus destinés aux vols court et moyen-courriers construits au Canada. La plupart des bénéfices ont toutefois été générés par l’augmentation de la production des très populaires A320 à un seul couloir de la société. Depuis le début de l'année, Airbus en a livré 294, et a confirmé son objectif de 880 à 890 livraisons jusqu'à la fin de l'année.
«La performance financière du premier semestre reflète essentiellement la montée en cadence de la Famille A320 et sa transition vers la version NEO plus efficiente, ainsi que l'amélioration continue des performances financières de l'A350», expliquait fin juillet, lors de la présentation des résultats semestriels Guillaume Faury, successeur, depuis avril, de l’Allemand Tom Enders.
Le rival américain Boeing a lui subi d’énormes pertes, en raison de l’immobilisation dans le monde entier du 737 MAX, concurrent direct de l’A320, à la suite de deux accidents survenus en Ethiopie et en Indonésie, qui ont causé la mort de 346 personnes. Il a présenté en juillet les pires résultats trimestriels de son histoire avec 2,9 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros) de pertes, soit le montant des pertes cumulées entre 2003 et le premier trimestre 2019.
En principe, le carnet de commandes de Boeing contient encore de nombreux 737 MAX, mais l’avionneur américain ne pourra pas livrer tant que les régulateurs ne les auront pas déclarés sûrs.
Le coût de l'immobilisation du 737 MAX estimé à 8 milliards de dollars
Boeing chiffre pour le moment le coût total de la crise du 737 MAX à plus de 8 milliards de dollars (7,2 milliards d’euros), une somme qui couvre principalement les indemnités que le fabricant devra payer aux compagnies aériennes pour les retards de livraison et la baisse de la production. Dans les usines de Renton (près de Seattle, dans le nord-ouest des Etats-Unis) la cadence de production est tombée de 52 à 42 appareils par mois et Boeing a même averti qu’une interruption temporaire totale était envisageable si les régulateurs ne rendaient pas une évaluation positive rapidement.
Ce ralentissement de la cadence produit des effets sur le prix des pièces qu’achète Boeing et devrait continuer de rogner la rentabilité de l’avionneur encore plusieurs mois.
Un certain nombre de compagnies aériennes ont déjà demandé à être indemnisées pour les livraisons annulées, et la compagnie à bas coûts saoudienne Flyadeal est devenue la première à annuler une commande de 50 Boeing d’une valeur catalogue de 5,9 milliards de dollars (5,3 milliards d’euros) au profit d’un accord avec Airbus.
Retards prévus aussi pour le nouveau Boeing 777X
Le directeur général de Boeing, Dennis Muilenburg, s'est pourtant déclaré confiant que le 737 MAX entrerait de nouveau en service dès octobre et a réaffirmé que cet appareil restait la priorité commerciale de Boeing. Or, l’avionneur américain connaît aussi des difficultés avec son programme 777X, dont le premier vol a été retardé à 2020 alors que son concurrent européen, le gros porteur A350 devenu A350 XWB (pour eXtra Wide Body), effectue des vols commerciaux depuis décembre 2014.
Airbus a également pris de vitesse Boeing sur le segment de milieu de marché – entre les moyen et long-courriers – en dévoilant l'A321 XLR (240 sièges maximum). Cet avion offre aux compagnies la possibilité d'ouvrir du vol long-courrier entre des villes secondaires avec un mono-couloir, moins cher, plus facile à remplir et donc plus rentable.
Toutefois, plusieurs experts aéronautiques pensent qu’Airbus ne devrait pas pousser beaucoup plus loin son avantage. Tout d’abord parce que Boeing n’a, pour le moment, pas connu d’annulation importante de commandes de son 737 MAX, mais aussi parce qu’Airbus semble avoir atteint le maximum de sa capacité de production.
Airbus au maximum des ses capacités
«Si vous enregistrez des commandes que vous ne pouvez pas livrer, ça implique des coûts considérables. Des augmentations de cadences de production impliquent aussi des investissements lourds et une planification industrielle sur cinq ans», avertit Michel Merluzeau du cabinet Air Insight Research.
Des experts de l’aéronautique cités par l’AFP font remarquer que l'augmentation récente des cadences de production chez Airbus a causé des difficultés et des retards importants chez les motoristes, Pratt&Whitney et CFM International, coentreprise entre General Electric et Safran, dont le moteur équipe également le 737 MAX et le C919 du groupe chinois Comac.
Mais en attendant, Airbus creuse la différence de cadence avec Boeing avec une prévision de production de 60 appareils par mois du programme A320 (A321 et A320 NEO, concurrent du MAX) cette année et 63 unités mensuelles en 2021.
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