Attendues depuis des mois, les Préconisations pour un système universel de retraite ont été rendues publiques ce 18 juillet par Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, qui les a également remises au Premier ministre Edouard Philippe.
Accessible sur le site du Haut-Commissariat aux retraites, ce rapport recommande un fusion des 42 régimes de retraite actuels, où les pensions sont calculées en fonction du nombre de trimestres cotisés, en un «système universel» où chacun accumulera des points tout au long de sa carrière et où «un euro cotisé donnera [en théorie] les mêmes droits à tous». Chaque jour travaillé permettra d'acquérir des points.
Finie, donc, la règle des 25 meilleures années pour les salariés du privé et des six derniers mois pour les fonctionnaires. Dans ce futur système, tout le monde cotisera de la même manière jusqu’à 120 000 euros de revenu brut annuel. Les primes des fonctionnaires et des salariés des régimes spéciaux seront désormais prises en compte à 100%.
Le taux de cotisation sera de 28,12%, partagé entre l'employeur (60%) et le salarié (40%), proche du niveau actuel du privé. Seuls les indépendants, qui cotisent moins que les salariés, bénéficieront d'un régime adapté pour leur éviter un alignement brutal (28,12% jusqu’à 40 000 euros de revenu brut annuel, 12,94% ensuite). Une cotisation sur tous les revenus de 2,81% sera due pour participer au financement de la solidarité.
La valeur du point ne pourra pas baisser dans le temps. Sa revalorisation tiendra compte de l'évolution des revenus moyens. Une fois les points transformés en retraite, les pensions seront revalorisées selon l'inflation, comme aujourd'hui.
Un âge légal avec 10% de malus ?
L'âge légal de départ sera maintenu à 62 ans. Mais Jean-Paul Delevoye préconise un «âge d'équilibre» fixé à 64 ans permettant une retraite complète, soit «le même pour tous, contrairement à aujourd'hui où il est compris entre 62 et 67 ans». Une allusion osée à l'âge de «départ à taux plein» actuel qui prévoit la perception d'une pension à taux plein par rapport à la moyenne des salaires de référence, même si la carrière ne compte pas suffisamment de trimestres validés. En effet, dans un système de retraite à points, comme celui promis par Emmanuel Macron et mis en musique par Jean-Paul Delevoye, la notion de taux plein n'a pas de sens. Le haut-commissaire a en outre préconisé que cet «âge d'équilibre» évolue «comme l'espérance de vie».
totalement stupide de fixer un âge de liquidation de la retraite complète à 64 ans
Par exemple, cet «âge d'équilibre» serait de 64 ans pour la génération née en 1963. Ceux qui partiraient avant, par exemple à l’âge légal de départ en retraite de 62 ans, verraient ce rendement diminuer de 5% par année d'écart, quand ceux qui prolongeraient leur activité au-delà bénéficieront d'un rendement majoré de 5% par an. Cette mesure a reçu un accueil mitigé de la part de la CFDT, dont le secrétaire général, Laurent Berger, tout affirmant qu’il «pousse ce type de réforme depuis maintenant de nombreuses années», a jugé «totalement stupide de fixer un âge de liquidation de la retraite complète à 64 ans».
«Beaucoup d'enfumage» pour la CGT
A la CGT, Philippe Martinez a dénoncé «beaucoup d'enfumage» et estimé que dire que l'âge légal restait à 62 ans, c’était «prendre les gens pour des imbéciles». «Nous avons joué le jeu, nous avons fait des propositions concrètes, et aucune n'a été retenue», a-t-il déploré, dénonçant, à l'inverse de la CFDT, une réforme qui pénalisera davantage les «carrières hachées». Comme lui, son homologue de FO Yves Veyrier entend déjà mobiliser à la rentrée contre une réforme qui «n'incitera pas [mais] imposera [de] travailler plus longtemps».
Quant au Medef, il «soutiendra les grands principes de cette réforme» selon son président Geoffroy Roux de Bézieux qui, tout en saluant son «ampleur», annonce néanmoins qu’il sera «vigilant» sur la question de la gouvernance du nouveau régime et le sort des «réserves» financières accumulés par les «régimes fourmis». Dans cette allusion, le patron des patrons désigne à coup sûr les régimes qui ont provisionné leurs engagements futurs auprès des pensionnés, et redoutent de devoir mettre la main à la poche pour compenser l’imprévoyance des autres régimes.
Parmi les grandes nouveautés contenues dans le rapport du haut-commissaire, on trouve d’ailleurs la création d’un Fonds de solidarité vieillesse universel (FSVU) financé par l’impôt «au titre de la solidarité nationale». Il permettra de financer l’acquisition de droits supplémentaires pour compenser «les aléas de la carrière ou de la vie qui conduisent à des périodes d’interruption d’activité involontaires» selon les termes des Préconisations du haut-commissaire.
Un minimum vieillesse augmenté à 85% du Smic net
Un montant minimum de pension, identique quel que soit le statut, sera garanti pour une carrière complète à 85% du Smic net, contre 81% pour les salariés et 75% pour les agriculteurs actuellement. On attend encore les détails du calcul, car le salaire minimum est donné pour l’heure de travail. Mais, à titre d'exemple, si l’on retient la base d’un contrat de 35 heures par semaine, cela porterait le minimum vieillesse à un peu plus de 995 euros.
Le communiqué de presse du Haut-Commissariat explique que «ce nouveau minimum de retraite bénéficiera notamment aux exploitants agricoles (40 % d’entre eux verront leur pension sensiblement s’améliorer et leurs prélèvements légèrement diminuer), aux artisans, aux commerçants et aux personnes, souvent des femmes, qui ont durablement travaillé à temps partiel».
Pension de réversion : 70% des droits du couple
Les pensions de réversion versées aux veuves et veufs garantiront 70% du total des retraites perçues par le couple. Ce dispositif remplacerait «les 13 règles différentes existant» sans modifier «les règles applicables aux retraités actuels».
Le «système universel» doit entraîner la fin progressive des régimes spéciaux, même si des traitements de faveur subsisteront. Des «départs anticipés» seront conservés pour les militaires, qui pourront bénéficier de points supplémentaires, et les fonctionnaires ayant des fonctions dangereuses dans le cadre de «missions régaliennes».
Comme aujourd'hui, le système garantira les départs à 60 ans pour les «carrières longues». La pénibilité sera également prise en compte avec une possibilité de partir avant 62 ans.
Transition progressive, gouvernance et nouvelles consultations
Le nouveau système universel garantira 100 % des droits acquis à partir du 1er janvier 2025. Ces droits seront comptabilisés selon les règles de l'ancien système et «transformés en points à l'euro près». Les transitions seront par ailleurs adaptées à chaque régime et achevées environ quinze ans après l'entrée en vigueur du nouveau système. Pour que le système soit à l'équilibre financier dès 2025, le texte devra être «enrichi» dans le cadre du projet de loi avec des mesures discutées avec les partenaires sociaux.
Enfin, une caisse nationale de retraite universelle doit être créée. Son conseil d'administration, composé de représentants des assurés et des employeurs et indépendants, pourra se prononcer sur le pilotage du système tout comme un «conseil citoyen» qui fera, chaque année, des propositions au conseil d'administration et au gouvernement.
D’ores et déjà, le chef du gouvernement, Edouard Philippe, a demandé à la ministre des Solidarités Agnès Buzyn et au haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye de rencontrer «dès la semaine prochaine» les organisations syndicales et patronales, après la remise d'un rapport qui incite à travailler plus longtemps.
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