Economie

Les Etats-Unis veulent que l’Europe paye son gaz plus cher, mais c’est pour la bonne cause

De passage à Bruxelles, le secrétaire américain à l’Energie s’est réjoui de l’augmentation spectaculaire des importations européennes de gaz liquéfié, en provenance des Etats-Unis. Il en a profité pour parler de voitures allemandes.

Depuis la rencontre entre le président des Etats-Unis Donald Trump et celui de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, en juillet 2018 à Washington, les importations cumulées de gaz liquéfié américain dans l'UE ont bondi de 272%, pour un volume de 10,4 milliards de mètres cubes achetés depuis 2016.

A l’issue de leur rencontre, Donald Trump et Jean-Claude Juncker avaient publié une déclaration commune dans laquelle on pouvait lire : «L'Union européenne veut importer davantage de gaz naturel liquéfié [GNL] des Etats-Unis afin de diversifier son approvisionnement en énergie.»

Le gaz importé des Etats-Unis à l’état liquide est nettement plus cher que celui livré par la Russie, mais Washington exerce une forte pression sur les Européens et en particulier l’Allemagne, pour qu’il ferment les yeux sur ce point de détail, au nom de l’indépendance énergétique de l’Europe.

En outre, depuis l’ouverture des négociations commerciales entre les Etats-Unis et l’Union européenne, Washington n’a jamais caché que, faute de réduire son déficit commercial bilatéral, les voitures européennes, et surtout allemandes seraient parmi les premières à être lourdement taxées.

Le secrétaire d’Etat américain à l’Energie Rick Perry l’a rappelé à Bruxelles le 2 mai  dans le cadre du 1er conseil du Forum inter-entreprises de l’énergie UE-USA (1st EU-U.S. Energy Council B2B energy forum) dans une allusion subtile, mais sans ambiguïté : «Si vous vous satisfaites d'acheter le produit le moins cher que vous trouvez, sans vous inquiéter de savoir si l'approvisionnement va arriver 24 heures sur 24, 365 jours par an [...] alors peut-être que vous n'achetez pas une BMW ou une Mercedes-Benz ou l'une de ces belles voitures fabriquées dans l'Union européenne.»

Allusions aux conflits gaziers russo-ukrainiens de 2006 et 2009

«C'est la même chose avec le gaz russe. Si vous demandez à nos amis ukrainiens, ils vous diront [...] que la fiabilité n'est peut-être pas au rendez-vous», a-t-il ajouté. Cette fois, l’allusion concernait les conflits gaziers russo-ukrainiens de 2006 et 2009. A l'époque, un désaccord entre Gazprom et l’Ukraine sur les taxes de transit du gaz avait perturbé les approvisionnements. Cette remarque coïncide également avec la perspective de renouvellement de l’accord sur le transit entre Gazprom et la société ukrainienne Naftogaz, lequel prend fin le 1er janvier 2020.  

Malgré tout, les importations américaines de gaz vers l’Europe continuent de représenter une part de marché très modeste, même si l’Union européenne a trouvé un biais statistique pour les gonfler artificiellement. Selon un communiqué de presse de l'institution daté du 2 mai, la proportion de gaz liquéfié américain a atteint 10% du marché européen du GNL en 2017 et 11% en 2018, «voire plus de 30% si l'on considère la période de 9 mois écoulée depuis la déclaration conjointe».

Mais ce marché du GNL qui est en concurrence directe avec le gaz livré par gazoduc ne représente que 12,4% du marché total du gaz en Europe, selon l’étude Energy Insights EU PipeFlow que produit régulièrement la société de conseil McKinsey.

Ainsi, la Russie demeure, et de loin, le premier fournisseur de gaz des pays de l’Union européenne avec une part de marché qui a atteint 38,8 % en 2018 pour 155,7 milliards de mètres cubes selon la même étude, soit 15 fois le volume de gaz américain livré en Europe depuis 2016.

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