Dans un communiqué diffusé le 22 février par l’AFP, le secrétaire général de Force ouvrière (FO), Yves Veyrier, répond aux critiques du président Emmanuel Macron après l'échec des discussions entre syndicats et patronat sur l’assurance chômage.
«Non, Monsieur le président de la République, on ne vient pas d'avoir "une vraie négociation sociale"», écrit-il, se référant aux principes de l'Organisation internationale du travail (OIT) selon lesquels la négociation collective «revêt un caractère libre et volontaire».
Ce qui ne fut pas le cas, selon le dirigeant syndical qui ajoute : «La lettre de cadrage que votre gouvernement a imposée, d'une part, et certaines de vos interventions publiques durant le déroulement de la négociation, d'autre part, ne nous ont "pas donné la main" mais allaient à l'encontre de ce principe.»
Le 21 février, Emmanuel Macron avait fustigé l'échec des partenaires sociaux à parvenir à un accord sur une réforme de l'assurance chômage, leur reprochant de se défausser de leurs responsabilités sur l'Etat.
«On vient d'avoir un exemple de vraie négociation sociale», avait commenté le chef de l'Etat devant les présidents de départements réunis à l'Elysée. Dans une longue charge contre les corps intermédiaires, Emmanuel Macron avait encore ironisé : «On est dans un drôle de système ! Chaque jour dans le pays, on dit "corps intermédiaires, démocratie territoriale, démocratie sociale, laissez-nous faire". Et quand on donne la main, on dit "mon bon monsieur, c'est dur, reprenez-la".»
Et quand on donne la main, on dit "mon bon monsieur, c'est dur, reprenez-la"
Le président avait ensuite annoncé que le gouvernement allait «devoir la reprendre», en raison du déficit cumulé par l’assurance chômage depuis la crise financière de 2009 et la brutale hausse du chômage qui s’en est suivie. La combinaison d’une baisse des cotisations en raison des emplois perdus, et de la hausse du montant total des allocations à cause de l’accroissement du nombre des demandeurs d’emploi, a alors provoqué un important déséquilibre des comptes du système d’assurance. Même s'il réagit très vite aux changements de conjoncture, il ne s’en est pas encore remis et accumule une dette de 35 milliards de dette couverte par l’Etat.
Bonus-Malus : promesse de campagne d’Emmanuel Macron, refus du patronat
La note de cadrage des négociations imposait des économies de l’ordre d’un milliard d’euros par an. Les syndicats s’étaient dès le départ et unanimement opposés à une baisse des allocations, dont ils estiment le montant mensuel moyen à 1020 euros. Il y aurait peut-être eu une marge de négociation du côté de la durée de l’indemnisation, mais les conversations ont aussi buté sur l'instauration d'un bonus-malus pour décourager les entreprises de recourir aux contrats courts (moins d'un mois) alors qu'un tiers des CDD ne dure qu'une journée. Catégoriquement rejeté par le patronat, ce dispositif était exigé par les syndicats, forts des engagements répétés d'Emmanuel Macron, notamment pendant la campagne présidentielle.
Macron est aussi un manipulateur : il a exigé une négociation impossible pour faire des économies sur le dos des chômeurs et au passage mettre la main sur la gestion de l'assurance chômage
La critique du président à l'attention des partenaires sociaux a été prononcée lors d'un discours avec les présidents de départements qu’Emmanuel Macron a morigénés également. Après avoir écouté leurs revendications pendant quatre heures et demie, il leur a reproché globalement leurs «appels de compétences et refus de responsabilité».
Après trois mois et demi de négociation infructueuse, l'exécutif va finalement reprendre la main au risque d'acter la fin du paritarisme. C’est-à-dire que les syndicats d’employés et les organisations patronales ne siègeront plus au comité de direction de l’assurance chômage pour décider, par exemple, de la durée et du niveau des indemnités. Désormais c'est l’Etat seul qui prendra les décisions.
Pour la CGT, tout se passe en réalité exactement comme prévu par Emmanuel Macron, ce que le syndicat résume dans un communiqué ainsi : «Macron est aussi un manipulateur : il a exigé une négociation impossible pour faire des économies sur le dos des chômeurs et au passage mettre la main sur la gestion de l'assurance chômage.»
Quant à Laurent Berger, dirigeant de la CFDT, il attribue l’échec au patronat et estime que «C'est la responsabilité du patronat [...] de ne pas avoir mis, dans le respect de la lettre de cadrage, une proposition crédible sur les contrats courts».
Interrogé sur la fin de la gestion paritaire de l'assurance chômage, il a aussi jugé que «sous la forme qu'on connaissait jusqu'alors», c'était «sans doute» le cas.
Le gouvernement doit maintenant annoncer sa méthode et le calendrier de travail pour réformer l'assurance chômage. Le principal suspens tient dans la mise à exécution ou non de la menace pour le patronat, en cas d’échec des négociations, de mettre en place un système de bonus-malus censé pénaliser le recours fréquent aux contrats courts.
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