Economie

EPIC Fail : Fitch abaisse la notation de la SNCF à cause de la réforme ferroviaire

A peine promulguée, la réforme du secteur ferroviaire français produit déjà ses premiers effets : l’agence de notation Fitch a abaissé la note de l'EPIC SNCF mobilités. A la clé : une situation financière dégradée à plus ou moins brève échéance.

C’est une gifle pour le gouvernement et Les Républicains qui l’ont soutenu au Parlement lors de l’examen de la «Loi pour un nouveau pacte ferroviaire». L’agence de notation Fitch ratings, basée à Londres, vient de confirmer en partie l’analyse des députés communistes sur le risque financier que constitue la transformation du statut de la SNCF, ainsi que sur les limites des bénéfices à attendre d’une ouverture à la concurrence.

Lors de l’examen de la loi, ils affirmaient que le changement de statut de la SNCF d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) en société anonyme par actions, loin de «faire évoluer l’organisation du groupe public […] afin d’en améliorer la performance» comme l’affirmait le ministre des Transports Elisabeth Borne en mars, aboutirait mécaniquement à une dégradation de sa situation financière.

En effet, en passant du statut d’entreprise d’Etat à celui de société anonyme, la SNCF change de catégorie d’emprunteur. Compte tenu de la très bonne réputation de solvabilité de l’Etat français, ce changement aboutit mécaniquement à une dégradation de l’appréciation de celle de l’entreprise publique vouée à devenir une société anonyme comme une autre.

Moins d’un mois après la promulgation de la loi par le président de la République Emmanuel Macron, le 28 juin, un communiqué de Fitch explique que l'agence de notation a «abaissé les notes de défaut émetteur (Issuer Default Ratings - IDR) à long terme en devises et en monnaie locale attribuées à SNCF Mobilités de AA à A+ et la note IDR à court terme de F1+ à F1».

La dégradation de deux crans reflète la transformation de SNCF Mobilités en une société anonyme à capitaux publics dans le contexte d'ouverture progressive à la concurrence

L’agence de notation précise : «La dégradation de deux crans reflète la transformation de SNCF Mobilités en une société anonyme à capitaux publics dans le contexte d'ouverture progressive à la concurrence. […] Bien qu'un soutien important de l'Etat soit attendu en cas de besoin, Fitch considère que la perte du statut d'EPIC dans le contexte d'ouverture à la concurrence est une indication d'un relâchement des liens de SNCF Mobilités avec l'Etat, incompatible avec le maintien de l'égalisation des notes avec celles de l'Etat.»

Fitch estime enfin que le contexte d'ouverture à la concurrence, en autorisant les appels d'offres sur les lignes domestiques, «amoindrit l'incitation pour l'Etat à prévenir un défaut sur une obligation financière». En revanche les notes de SNCF Réseau (AA/Stable/F1+), gestionnaire d'infrastructure non exposé à la concurrence, demeurent alignées sur celles de l'Etat.

Le risque d’une contagion aux autres entreprises publiques

Toutefois, au chapitre «conséquences financières d'un défaut (Elevé)», l’agence considère qu'un défaut de SNCF Mobilités sur ses obligations financières pourrait également avoir un effet de contagion sur le coût de financement d'autres entreprises publiques, «au premier rang desquelles SNCF Réseau qui partage avec SNCF Mobilités son actionnariat et son secteur d'activité économique».  

Une analyse globalement déjà faite par une autre agence de notation de réputation mondiale. Dès juillet 2017, la synthèse de S&P Global (Standard & Poors) consacrée à SNCF Mobilités avait déjà envisagé l'effet produit par les mêmes causes, dans ses scénarios de dégradation de la note de l'EPIC : «En outre, nous pourrions envisager une action de notation négative si nous pensons que le soutien du gouvernement est susceptible de se réduire. Cela pourrait résulter, par exemple, de changements défavorables dans la structure de SNCF Mobilités, dans le cadre réglementaire national ou européen, ou d’un recul du rôle de service public de l'entreprise du point de vue du gouvernement.»

Jean-François Guélain

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