«Les nouveaux tarifs sur les importations d'acier, d'aluminium et [produits venant] de Chine, ainsi que de possibles droits additionnels sur les automobiles et les pièces automobiles, nous ont menés au bord d'une guerre commerciale mondiale», s’alarme la Chambre de commerce des Etats-Unis, sur son site web.
Prenant acte des mesures de rétorsions prises ou sur le point de l’être par le Canada, le Mexique, l'Union européenne et la Chine, elle ajoute que «des millions d'emplois américains dépendent de la capacité de l'Amérique à commercer avec d'autres pays [et que] la moitié des emplois manufacturiers américains dépendent des exportations, [tandis qu’] un hectare sur deux de terre agricole américaine est planté pour l’exportation».
Enfin, dans sa déclaration, le plus important lobby américain estime que les mesures récentes proposées par l'administration Trump dans le domaine du commerce international «menacent jusqu'à 2,6 millions d'emplois américains». Dans une analyse publiée le 1er juillet et intitulée «La mauvaise approche», la Chambre de commerce estime à «environ 75 milliards de dollars» le montant des exportations américaines touchées jusqu'à maintenant par les mesures de rétorsion des partenaires commerciaux des Etats-Unis. Elle cite notamment six Etats (Alabama, Michigan, Pennsylvanie, Caroline du sud, Texas et Wisconsin) particulièrement affectés. Tous se sont prononcés en faveur de Donald Trump lors de la dernière élection présidentielle en 2016.
La Chambre de commerce a d’ailleurs lancé une pétition avec des messages à adresser directement depuis son site web aux représentants américains.
«Les tarifs douaniers commencent à avoir un impact sur les entreprises, les ouvriers, les agriculteurs et les consommateurs américains alors que les marchés extérieurs se ferment aux produits fabriqués aux Etats-Unis et que les prix augmentent dans le pays», affirme aussi le président de la Chambre Thomas Donohue, dans le communiqué accompagnant cette étude.
Cependant, l'activité manufacturière a poursuivi son rythme d'expansion en juin à 1,5% sur 12 mois, même si selon l'indice des directeurs d'achats de ce secteur publié le 1er juillet, les tensions commerciales les préoccupent. L'ISM (Institue for supply management) qui regroupe les directeurs d’achat tous secteurs confondus, signale que les entreprises interrogées ont «par-dessus tout» fait part de leurs préoccupations face aux mesures protectionnistes de l'administration Trump et aux représailles qu'elles déclenchent.
Par exemple, certaines ont déjà constaté une augmentation de 20% des prix pour l'acier de base depuis mars, alors que d'autres, dans l'industrie alimentaire par exemple, ont fait savoir qu'elles allaient transférer une partie de la production de leurs usines américaines vers celles implantées au Canada pour éviter les mesures de rétorsion commerciales de Pékin à l'encontre de Washington.
Inquiétudes balayées par le secrétariat au Commerce
Mais ces inquiétudes ont été balayées par le secrétaire au Commerce Wilbur Ross. «L'investissement des entreprises est très élevé et le taux de chômage si bas qu'il y a plus d'emplois à pourvoir que de chômeurs pour la première fois dans l'histoire», a-t-il assuré lors d'un entretien sur la chaîne de télévision CNBC le 1er juillet. «Nous ne voyons aucun signe d'affaiblissement de l'économie», a-t-il ajouté, affirmant que les prévisions d'un ralentissement économique à venir aux Etats-Unis étaient «très probablement inexactes».
Selon lui, les chiffres de la croissance pour le deuxième trimestre, qui seront annoncés le 27 juillet, seront supérieurs à 3% et pourraient même se rapprocher de 4% en rythme annuel.
Les effets des tensions commerciales internationales causées par la remise en cause du statu quo hérité du dernier cycle de négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dit «Cycle de Doha», affectent les entreprises américaines de façon variée. Par exemple, l’AFP rapporte la situation de Mid Continent Nail, le plus gros fabricant de clous des Etats-Unis qui emploie environ 500 personnes. Cette PME de Poplar Bluff dans le Missouri, pourrait bientôt licencier à cause de la perte de compétitivité de ses produits dont les prix de vente ont dû être relevés pour compenser le renchérissement des prix de l’acier de base.
Aux Etats-Unis, des milliers d'emplois en plus pour la sidérurgie
Dans cette région qui a voté à 60% pour Donald Trump en 2016, les employés réclament une exemption aux tarifs douaniers afin que l'entreprise puisse continuer à importer de l'acier bon marché du groupe mexicain Deacero, qui a racheté leur entreprise en 2012. Mais ces tarifs douaniers ont été bénéfiques pour d'autres industriels : le producteur d'acier US Steel a rappelé 500 employés au chômage technique pour augmenter la capacité d'une de ses usines, située à deux heures et demie de route de Poplar Bluff.
Ainsi, des dizaines de milliers d'emplois pourraient être rapidement créés dans le secteur sidérurgique grâce aux taxes douanières. Toutefois, des centaines de milliers d'autres pourraient disparaître à cause des mesures de rétorsion des pays affectés.
Laura Baugham, économiste de l'institut de recherches Trade Partnership Worldwide, interrogée par l’AFP s'attend à ce que jusqu'à 400 000 emplois soient détruits aux Etats-Unis. «On le voit déjà», affirme-t-elle précisant : «Il y a les emplois utilisant l'acier – cela va des clous à l'automobile – ainsi que les emplois perdus dans les restaurants par exemple, parce que les gens qui perdent leur boulot ne vont plus au restaurant.»
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