Nicolas Hulot a estimé le 7 novembre que la France ne pourrait pas ramener la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50% en 2025, comme prévu dans la loi de transition énergétique, évoquant la nécessité de fixer une «date réaliste».
«Il sera difficile de tenir ce calendrier de 2025 sauf à relancer la production d'électricité à base d'énergies fossiles», a déclaré le ministre de la Transition écologique et solidaire à l'issue du Conseil des ministres. Il a ajouté que le gouvernement avait réaffirmé très clairement son souhait d'atteindre au plus vite l'objectif de 50% de la part du nucléaire «mais évidemment sans sacrifier ou rogner [les] objectifs sur le changement climatique».
A la lecture du dernier bilan disponible, celui de 2016, la part de l’énergie nucléaire se situait encore à 72,3% dans le mix énergétique. Et cela malgré une réduction brutale de 7,9% à cause d’arrêts temporaires de 22 réacteurs sur 58, à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour vérifier l’état des générateurs de vapeur dans les centrales, qui pourraient avoir fait l’objet de défauts de fabrication. Quant aux énergies renouvelables, elles progressent, mais surtout grâce à l’hydraulique qui présente à lui tout seul 12%. Quant à l’éolien, au solaire et aux bio-énergies (résidus agricoles et forestiers) ils ne pèsent ensemble que 7,1% du mix énergétique.
«Si l'on veut maintenir la date de 2025 pour ramener dans le mix énergétique le nucléaire à 50%, ça se fera au détriment de nos objectifs climatiques. Et ça se fera au détriment de la fermeture des centrales à charbon et probablement que si l'on voulait s'acharner sur cette date, il faudrait même rouvrir d'autres centrales thermiques», a souligné Nicolas Hulot.
La sécurité d'approvisionnement énergétique de la France menacée d'ici quatre ans
Dans son rapport prévisionnel annuel rendu public le jour de ce Conseil des ministres – qui s’est tenu exceptionnellement un mardi (au lieu du mercredi) pour cause de déplacement les 8 et 9 novembre du président de la République aux Emirats arabes unis – RTE annonce mêmes des perspectives inquiétantes : selon le gestionnaire du réseau haute tension de transport d’électricité, la France pourrait mettre en péril sa sécurité d’approvisionnement en période hivernale d’ici quatre ans.
Ainsi, alors que la France bénéficie actuellement d’une marge d’environ 300 mégawatts de puissance installée, la combinaison de la fermeture du parc de centrales thermiques alimentées en charbon et des quatre réacteurs nucléaires arrivant en fin de vie, Tricastin 1 et 2 et Bugey 2 et 3, placerait la France en sous-capacité dès l’hiver 2021-2022. Il manquerait alors environ 1 000 mégawatts de puissance au pays pour faire face aux pics de consommation de l’hiver.
RTE a d’ores et déjà prévenu qu'il pourrait être amené à prendre des mesures «exceptionnelles» allant jusqu'à des coupures programmées cet hiver pour assurer l'alimentation des foyers français. En effet, des arrêts de centrale non prévus ou des conditions climatiques hors normes «pourraient fragiliser l'alimentation électrique des Français» pendant les mois les plus froids, précise RTE dans son bilan prévisionnel. La France qui est aujourd’hui le premier exportateur net d’électricité du Vieux Continent avec un solde d’échanges transfrontaliers positif d’environ 39 térawatt-heures (39 milliards de kilowatts-heures), malgré une forte baisse, pourrait ainsi devenir importateur net d’électricité.
Pour Greenpeace France, une «énième promesse remise en cause»
La réaction des ONG environnementales ne s’est pas fait attendre. «Nicolas Hulot, ne vous trompez pas de combat !», a lancé Greenpeace dans un communiqué, tandis que sa branche française dénonçait sur son compte Twitter une «énième promesse remise en cause» intégrant un tweet d’Emmanuel Macron datant de mai 2017, quand il était candidat et promettant : « La transition vers 50% de nucléaire, je vais la porter à l'horizon 2025.»
«Le lobby nucléaire a-t-il déjà gagné ?», s’est pour sa part interrogé Yannick Jadot le député européen Europe Ecologie Les Verts (EELV) sur son compte Twitter.
Interrogé par l’AFP, il a en outre déclaré : «La loi de transition énergétique a été développée sur des scénarios extrêmement précis et beaucoup plus indépendants que les scénarios de RTE et d'EDF, et qui rendaient parfaitement compatible de baisser la part du nucléaire sans évidemment remettre en cause les objectifs climatiques.»