Même les membres de l'ONG Greenpeace, qui ont l'habitude de dénoncer les dangers du nucléaire, semblent avoir été stupéfaits des conclusions d'un rapport commandé par leur organisation à des experts sur le risque terroriste dans les centrales nucléaires. Comme le révèle Le Parisien, la version qui devait être publiée le 10 octobre a finalement été expurgée de plusieurs informations jugées trop sensibles.
Une commission d'experts venus de plusieurs pays (trois Français, une Allemande, deux Britanniques et un Américain) avait pour mission d'identifier les failles de sécurité et d'alerter les pouvoirs publics et EDF du danger que représenterait une attaque terroriste sur l'un des 19 sites nucléaires gérés par l'entreprise en France.
Ils s'attendaient certes à découvrir des dysfonctionnements, mais selon le quotidien, «les conclusions du rapport [se sont révélées] tellement alarmistes que les experts et Greenpeace, pourtant rompus aux hypothèses les plus inquiétantes, ont décidé de ne rendre publique ce matin qu'une version expurgée des informations les plus sensibles». Sept exemplaires complets de l'étude seront remis par le directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard, à des hauts fonctionnaires en charge des questions de défense et sécurité notamment au sein du gouvernement.
Un «déficit historique de sécurité» et un sous-investissement
Les experts auraient conclu à un «déficit historique» de la protection des installations françaises, particulièrement celle des piscines de refroidissement. A titre d'exemple, le sous-investissement dans la rénovation est sévèrement pointé du doigt : le renforcement des 62 piscines de refroidissement et des 58 réacteurs coûterait entre 140 et 222 milliards d'euros, selon les experts mandatés par Greenpeace. Or, il s'agit d'une somme environ quatre fois supérieure à celle engagée par EDF pour prolonger la durée de vie des centrales.
«Il s'agit d'alerter l'opinion et les pouvoirs publics, pas de donner des idées à des personnes mal intentionnées», commente Yannick Rousselet, chargé de campagne auprès de Greenpeace, pour expliquer cette décision inhabituelle de l'ONG.
EDF a récemment décidé de procéder à l'acquisition d'Areva NP, la division réacteurs du groupe Areva en difficulté. Cet achat devait permettre de mener à bien la maintenance lourde de ses 58 réacteurs nucléaires français. Baptisé «Grand carénage», ce programme devait coûter au géant de l'énergie 48 milliards d'euros.