Après tout, le droit de Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques, de donner son avis aussi souvent qu'il lui plaît est inscrit - par extrapolation - dans le marbre des traités : depuis l'entrée en vigueur du «pacte budgétaire» au 1er janvier 2013, les Etats membres doivent en effet respecter les contraintes budgétaires de Bruxelles. Aussi ce membre de la Commission dirigée par Jean-Claude Juncker a-t-il fait part de ses critiques quant aux «coups de rabot» budgétaires du gouvernement d'Edouard Philippe, un peu trop appuyés selon lui. «Le rabot, ça fait que vous réduisez plus ou moins uniformément toutes les dépenses et à un moment donné vous arrivez à l’os et vous êtes obligé après de trancher dans le vif», a-t-il estimé, ce 27 juillet 2017, appliquant une métaphore de boucher.
S'exprimant devant la commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale, le commissaire européen – et ancien ministre de l'Economie de François Hollande – a en outre conseillé aux dirigeants français de se montrer plus fins. «On est toujours capables de faire des choses plus intelligentes quand on procède à des examens par politique plutôt qu'à des coups de rabots», a-t-il ainsi fait valoir, répondant à une question d'un député sur l'intention du gouvernement français de baisser de 5 euros par mois le montant des aides publiques au logement (APL) à partir d'octobre 2017.
Plutôt discrète pendant la campagne présidentielle, la Commission européenne s'invite régulièrement dans le débat sur les grandes options budgétaires et fiscales de la France. Dès l'élection d'Emmanuel Macron, le président de la Commission Jean-Claude Juncker avait rappelé l'obligation de respecter les exigences de l'Union européenne en matière de déficit public, lequel ne doit pas dépasser les 3% du produit intérieur brut. «Les Français dépensent trop», avait-il alors lancé. Au lendemain des élections législatives, en mai 2017, Pierre Moscovici avait encore une fois enfoncé le même clou.
«Ce qu'on attend de la France, c'est qu'elle fasse les réformes pour être plus compétitive, qu'elle soit solide sur les finances publiques et ait une force de proposition dans les institutions européennes», avait-il rappelé le 19 juin. Et d'ajouter : «Dès lors qu'on est proche des 3%, il faut les faire, c'est jouable.» Le mieux ne serait-il pas que Pierre Moscovici soit en même temps ministre de l'Economie de la France ?
Alexandre Keller