Exxelia est bel et bien passé dans le giron américain. Rien n’aura entravé l’opération, sur les rails depuis juillet dernier. Le 6 janvier, dans la foulée d’Heico Corporation, La Tribune révélait la finalisation de l’opération de rachat de ce concepteur et fabricant de sous-systèmes de précision et de composants passifs électroniques, avalisée par Paris.
Certes, le mal avait déjà été largement fait : née en 2009 de la fusion de cinq entreprises, la firme avait été rachetée une première fois en 2014 par la société britannique IK Partners. Reste que les produits d'Exxelia sont encore intégrés à une variété d’équipements de haute technologie vitaux pour la puissance française, allant des appareils d’imagerie médicale aux fusées Ariane, en passant par le Rafale et les porte-avions. De surcroît, Exxelia embauche plus de 2 100 salariés sur 12 sites, dont la moitié en France.
L'acquérir est un nouveau succès pour le groupe américain Heico qui, en octobre, avait déjà racheté un fleuron tricolore, TRAD Tests & Radiations.
«En réalité, ce gouvernement ne défend pas les intérêts de la France, ce gouvernement ne défend pas la souveraineté de la France», dénonce dans une vidéo, ce 7 janvier, le député et vice-président du Rassemblement national (RN) Alexandre Loubet. «Il est justement en train de brader la puissance industrielle française», insiste-t-il.
Exxelia, victime d’un «nouveau pillage»?
Mi-octobre, cet élu de la Moselle dénonçait le «nouveau pillage» de ce fleuron, en référence à son rachat par le fonds d’investissement britannique IK Partners «lorsqu’Emmanuel Macron était ministre de l’Economie». Son échange, houleux, avec le ministre de l’Economie, qu’il accusait d’avoir «bradé à des intérêts étrangers des centaines de milliers d’emplois, des centaines de brevets», lui vaudra d’être sanctionné par la présidente de l’Assemblée nationale.
«J’ai été sanctionné pour avoir dénoncé, justement, la lâcheté de ce gouvernement qui n’a pas le courage de défendre nos fleurons industriels face aux puissances étrangères», tacle-t-il aujourd’hui. Face à Bruno Le Maire, le jeune député avait brandi le risque de voir Exxelia – et ses clients – tomber sous le coup de l’extraterritorialité du droit américain. En effet, la législation états-unienne est particulièrement stricte en matière d’exportations d’armements.
Via la réglementation ITAR (International Traffic in Arms Regulations), véritable casse-tête pour les industriels tricolores et la Direction générale de l'armement (DGA), Washington s’octroie un droit de regard sur toutes les ventes et reventes d’armements comportant des composants made in USA.
«Les offres françaises n’étaient pas à la hauteur»
«Vous aviez dit que vous ne souhaitiez pas que nous puissions commander à Washington ou à Pékin», interpellait le député de la Nupes, Aurélien Saintoul, lors d’une audition le 5 octobre à l’Assemblée nationale du ministre la Défense Sébastien Lecornu.
«Les offres françaises n’étaient pas à la hauteur», lui avait répondu Emmanuel Chiva, directeur général pour l’armement, évoquant alors un possible repreneur étranger «très favorablement connu du ministère.» Repreneur «qui est déjà un partenaire», a-t-il poursuivi, et qui selon lui apporterait «toutes les garanties nécessaires à la compartimentation permettant de conserver la souveraineté dans les approvisionnements de cette société vis-à-vis de nos systèmes d’armes.»
Le risque d’une ingérence américaine fut également soulevé au Sénat. «Sachant que la loi américaine permet d'interdire la vente de certains produits à des pays, que se passerait-il si les relations avec les Etats-Unis se détérioraient ?», s’interrogeait mi-octobre, auprès des Echos, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann. Elle aussi avait interpellé Bruno Le Maire, notamment sur ce qu’il comptait faire pour «s'assurer que les compétences, brevets et process industriels d'Exxelia ne soient pas détournés au profit des intérêts industriels et nationaux américains».
«Par ailleurs, on sait aussi que l'orientation de la R&D n'est pas neutre et pourrait se faire en fonction de projets plutôt américains que français ou européens», poursuivait auprès de l’hebdomadaire économique cette habituée des dossiers de vente de fleurons industriels tricolores à des entreprises états-uniennes.
Maxime Perrotin