L'Etat allemand a annoncé le 14 novembre la nationalisation de la filiale allemande du géant russe Gazprom dans le but déclaré de sauver de la faillite ce fournisseur de gaz qu'il administre déjà depuis avril et qui est surendetté.
En Pologne, le gouvernement a également décidé de prendre le contrôle dans une autre infrastructure stratégique pour l'approvisionnement du gaz en Europe et appartenant en partie à Gazprom : le gazoduc Yamal-Europe dont un important tronçon passe par la Pologne.
Varsovie a en effet annoncé le 14 novembre la mise sous tutelle d'Etat de la participation de l'énergéticien russe dans la société EuRoPol Gaz qui gère Yamal-Europe sur le territoire polonais. Gazprom détenait 48% de cette société, contre 52% pour l’Etat polonais. Dans les deux cas, ces interventions publiques sont officiellement motivées par le souci de garantir la sécurité de l'approvisionnement en gaz.
Berlin nationalise ainsi pour la deuxième fois en quelques mois un groupe énergétique de premier plan, après avoir déjà sauvé l'allemand Uniper, asphyxié par les réductions drastiques de livraisons de gaz russe après l'instauration des sanctions occidentales. Cette entreprise était le principal client du groupe russe Gazprom en Allemagne.
Les annonces de Berlin et Varsovie ont été suivies d’une nette hausse des cours du gaz naturel. Vers 17h GMT, le contrat à terme du TTF néerlandais, considéré comme la référence européenne, a bondi de plus de 20%, s’échangeant à 117,50 euros le mégawattheure (MWh).
Dans un communiqué cité par l’AFP, le ministère allemand de l’Economie déclare que la filiale allemande de Gazprom, rebaptisée SEFE, «est une entreprise clé pour la fourniture d'énergie en Allemagne».
20% du marché allemand
Elle compte parmi ses clients des services publics municipaux et détient une part de marché en Allemagne d'environ 20%. Le groupe possède aussi de nombreuses infrastructures de transport et de stockage de gaz, dont le plus grand réservoir d'Europe situé à Rehden (nord-ouest du pays).
Unique actionnaire de Gazprom Germania, Gazprom avait annoncé, le 1er avril, qu'il avait retiré ses actifs de sa filiale. Un arrêté comptable datant de fin août indique que l’entreprise désormais nommée SEFE compte un milliard de capitaux propres pour trois milliards d'euros de dettes, signifiant qu'elle se trouve en situation de surendettement.
«Les partenaires commerciaux et les banques ont suspendu leurs relations d'affaires avec la société ou sont réticents à en nouer de nouvelles», a indiqué le ministère allemand de l'Economie.
Manœuvre comptable
Pour assainir la situation financière et clarifier le lien de propriété, Berlin va procéder à une manœuvre comptable : le capital incluant les réserves va être réduit dans un premier temps à 0. L'ancien actionnaire russe va ainsi perdre le contrôle, moyennant une indemnité qui reste à déterminer.
A son tour, l'Allemagne injectera 225 millions d'euros dans la société, devenant ainsi le «nouvel actionnaire unique». Berlin prévoit également de porter à 13,8 milliards d'euros un prêt de la banque publique allemande SKF à l'entreprise, afin d'augmenter les fonds propres de celle-ci via un échange de dettes contre des actions.
Ces mesures seront financées par le plan de soutien de 200 milliards d'euros décidé début octobre par Berlin pour protéger son économie face à la crise énergétique et qui a été critiqué par plusieurs pays européens.
Infrastructures critiques
Fortement dépendante du gaz russe avant l’opération militaire russe en Ukraine, l'Allemagne a depuis décidé de trouver des alternatives à ces importations au prix d'une flambée de sa facture énergétique.
De la même façon que Gazprom a cessé, en septembre, de livrer l'Allemagne en gaz via le gazoduc Nord Stream, le groupe russe a suspendu complètement les livraisons de gaz à la Pologne dans le cadre du contrat Yamal.
Aussi le ministre polonais du Développement Waldemar Buda a avancé dans un communiqué que la décision de s’emparer des parts de Gazprom dans la société d’exploitation du gazoduc Yamal-Europe était «nécessaire pour le bon fonctionnement d’EuRoPol Gaz, notamment pour éviter une paralysie décisionnelle de cette entreprise et assurer la sécurité des infrastructures critiques destinées au transport du gaz.