Economie

Crise énergétique : les Vingt-Sept s’entendent sur la taxation des «superprofits»

Réunis à Bruxelles afin de trouver des mesures d’urgence face à la flambée des cours du gaz et de l’électricité, les ministres européens de l’Energie se sont entendus sur plusieurs mesures visant notamment à taxer les profits des énergéticiens.

Les ministres européens de l’Energie ont trouvé un accord ce 30 septembre pour reverser une partie des «superprofits» des producteurs d'énergie aux ménages et entreprises confrontés à l'explosion des factures, mais beaucoup estiment qu'il faut aller encore plus loin à l'approche de l'hiver.

Les responsables ont validé des mesures d'urgence et temporaires présentées à la mi-septembre par la Commission européenne, visant également à imposer une réduction de la consommation d'électricité aux heures de pointe. Mais ils sont encore divisés sur la façon de faire baisser les prix de gros du gaz, l'idée d'un plafonnement butant en particulier sur les réticences de Berlin.

Ils ont chargé la Commission de leur soumettre des solutions dès que possible, avant un sommet des dirigeants des Vingt-Sept le 7 octobre à Prague ainsi qu’une nouvelle réunion des ministres de l’Energie les 11-12 octobre.

«Nous devons continuer le travail. Nous sommes dans une guerre de l'énergie avec la Russie, qui affecte aussi fortement notre industrie», a expliqué le ministre tchèque de l'Industrie et du Commerce Jozef Sikela, dont le pays assure la présidence du Conseil de l'UE. Il a insisté sur «l'urgence» des nouvelles mesures, lors d'une conférence de presse à l'issue de la réunion des ministres à Bruxelles.

Un objectif contraignant pour réduire la consommation d'électricité de 5% pendant les heures de pointe jusqu'au 31 mars 2023

Les récentes fuites sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique, dénoncées comme des actes de «sabotage», ont encore accru la tension dans le bloc européen, déjà ébranlé par l'envolée des prix en partie liée au conflit en Ukraine.

Les mesures d'urgence avalisées ce 30 septembre, qui s'appliqueront à partir du 1er décembre, fixent aux Etats un objectif contraignant pour réduire leur consommation d'électricité «de 5%» pendant les heures de pointe et ce, jusqu'au 31 mars 2023. Les Vingt-Sept sont aussi appelés à réduire leur consommation d'électricité de 10%, un objectif indicatif.

Autre mesure: le plafonnement des revenus des producteurs d'électricité à partir du nucléaire et des renouvelables (éolien, solaire, hydroélectrique) qui engrangent des bénéfices exceptionnels en vendant leur production à un prix très supérieur à leurs coûts de production.

Ce plafond est fixé à 180 euros par mégawattheure, et la différence entre ce niveau et le prix de gros du marché doit être récupérée par les Etats pour être redistribuée aux ménages et aux entreprises, jusqu'au 30 juin 2023. Une «contribution temporaire de solidarité» s'applique en outre aux producteurs et distributeurs de gaz, charbon et pétrole.

Lors de son discours sur l’état de l’Union le 14 septembre, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait évalué à quelque 140 milliards d'euros les recettes pouvant être ainsi reversées.

Solidarité : les «sur-profits» des énergéticiens surtaxés

Mais une majorité d’Etats membres – quinze, dont la France, la Belgique, l'Italie, l'Espagne et la Pologne – estiment qu'il faut encore s'attaquer au «problème le plus grave» : ils réclament un plafonnement des prix de gros du gaz sur le marché européen. Ces pays veulent que la mesure s'applique à toutes les importations de gaz et pas seulement à celles qui proviennent de Russie.

L'exécutif communautaire, comme l'Allemagne, est réticent à mettre en place une telle mesure, redoutant qu'une limitation des prix menace l'approvisionnement des Européens, en dissuadant les «partenaires fiables» de livrer l'UE en gaz, au profit d'autres destinations.

La ministre estonienne Riina Sikkut s'est aussi prononcée contre cette idée, estimant que «la disponibilité du gaz et la sécurité de l'approvisionnement étaient plus importantes que le prix». La Commission est favorable à un prix maximum pour le gaz russe, qui représente à l'heure actuelle 9% des importations européennes. La Russie était historiquement le premier fournisseur de gaz de l'UE, acheminant plus de 40% du gaz dans le bloc.

Sécurité d’approvisionnement : désaccord sur le plafonnement du prix d’achat du gaz

«Mais certains Etats membres voient cela comme une sanction et nous n'avons pas de consensus là-dessus», a commenté la commissaire européenne à l’Energie Kadri Simson.

Pour faire baisser les prix, Bruxelles mise sur des négociations avec les autres fournisseurs de gaz acheminé par pipelines, mais estime que pour le GNL, la capacité de négociation est restreinte par la concurrence internationale.

«Nous sommes tous d'accord sur le fait que le marché ne fonctionne pas normalement et qu'une intervention est nécessaire», a reconnu la commissaire, évoquant également l'option de plafonner le prix du gaz utilisé pour la production d'électricité. La ministre française de l’Energie Agnès Pannier-Runacher a souligné que l'extension à l'UE du régime dérogatoire accordé à l'Espagne et le Portugal leur permettant de dissocier temporairement le prix du gaz de celui de l'électricité pouvait être «un levier rapidement activable». Cette mesure est plébiscitée par Paris depuis près d’un an.

De nombreux pays de l'UE ont déjà mis en place des dispositifs d'aide au niveau national pour soulager les ménages et les entreprises étranglés par les factures.