Les représentants des treize membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), conduits par l'Arabie saoudite, et leurs dix alliés emmenés par la Russie, ont annoncé le 5 septembre dans un communiqué qu’ils avaient convenu de «revenir aux quotas du mois d'août». Cela représente une baisse de 100 000 barils par rapport à septembre.
«Cette décision montre que nous sommes prêts à utiliser tous les outils à notre disposition», a commenté le ministre de l'Energie saoudien, Abdelaziz ben Salmane, dans une interview à l'agence financière Bloomberg. Il avait déjà semblé ouvrir la porte, il y a une dizaine de jours, à l'hypothèse d'une coupe, dénonçant un marché «tombé dans un cercle vicieux de faible liquidité et de volatilité extrême».
Moscou, pilier du groupe avec Ryad, a pour sa part évoqué «de nombreuses incertitudes» liées notamment à «la déclaration des dirigeants du G7 concernant le plafonnement du prix du pétrole russe», selon les propos du vice-Premier ministre chargé des questions énergétiques, Alexandre Novak.
Affectés par de sombres perspectives économiques mondiales, les cours des deux références mondiales du brut ont glissé ces dernières semaines loin de leurs sommets de mars, à près de 140 dollars le baril. Vers 19h20 GMT (21h20 à Paris), le cours du baril de Brent de la mer du Nord reculait de 0,53%, à 95,23 dollars, et le WTI, référence pour le marché nord-américain gagnait 2,3%, à 88,87 dollars
Une question de crédibilité
Pour Matthew Holland, analyste géopolitique pour l'institut de recherche Energy Aspects, l'alliance «signifie ainsi qu'elle agira pour soutenir les cours s'ils devaient s'effondrer», par exemple en cas de retour du pétrole iranien, explique-t-il. «Cette baisse symbolique n'est pas une réelle surprise après les murmures de ces dernières semaines», estime pour sa part dans une note citée par l’AFP Caroline Bain, analyste de Capital Economics.
Mais beaucoup croient que si l’Opep+ a décidé de réduire ses objectifs de production, c’est aussi qu’elle est régulièrement dans l'incapacité de remplir ses quotas. «La production actuelle et les quotas sont désormais déconnectés, il s'agit donc d'une question de crédibilité », souligne Bjarne Schieldrop, analyste de la banque suédoise SEB. La production de l’Opep+ est en effet estimée à près de 3 millions de barils par jour en-deçà des objectifs affichés.
En raison de crises politiques ou du manque d'investissements et d'entretien pendant la pandémie, de nombreux pays du groupe comme l'Angola ou le Nigeria ne peuvent pomper davantage. Seuls l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis semblent disposer de capacités de production inutilisées. Or, l'analyste note que Ryad écoule actuellement près de 11 millions de barils de pétrole par jour, un niveau qu'elle n'avait atteint que deux fois dans son histoire, et seulement temporairement.
Un «coup dur» pour Joe Biden
De son côté Washington n’a pas caché son dépit après cette décision. Dans un communiqué de la Maison Blanche, l’administration déclare que «le président américain Joe Biden a été clair sur le fait que l'offre d'énergie doit correspondre à la demande pour soutenir la croissance économique et réduire les prix pour les consommateurs américains et à travers le monde».
En amont de leur réunion, Washington avait exhorté les 13 pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs 10 alliés, formant l'Opep+, à augmenter leur production pour faire descendre les prix de l'énergie qui alimentent une inflation au plus haut niveau depuis des décennies.
Dans son communiqué, la Maison Blanche met en avant l'utilisation «historique» des réserves stratégiques américaines de pétrole et le plafonnement des prix du pétrole russe, «décidé avec les alliés» pour assurer un maintien de l'offre mondiale de pétrole, «alors même que nous punissons Poutine pour ses agissements».
Pour le président américain Joe Biden, qui s'était rendu pour la première fois en tant que président des Etats-Unis en Arabie saoudite mi-juillet pour tenter d'influer sur la stratégie de Ryad, c'est «un coup dur», estime Craig Erlam, analyste de la plate-forme d'échanges de matières premières OANDA. Pour lui, le «dommage politique» causé par cette visite controversée est «un pur gaspillage» avec un résultat «pire» qu'avant cette initiative.