Le 21 mai, après un ultime vote au Sénat, le Parlement français a définitivement adopté une loi interdisant le démarchage téléphonique non consenti à compter d’août 2026. Cette mesure, présentée comme une avancée pour la protection des consommateurs, pourrait provoquer une secousse bien au-delà des frontières françaises : au Maroc, elle menace directement un secteur-clé de l’économie numérique, celui des centres d’appels.
Comme le souligne la presse marocaine, cette décision vient fragiliser l’un des piliers de l’offshoring dans le royaume. Avec plus de 90 000 emplois répartis dans quelque 800 structures, selon Le Matin, le secteur dépend fortement des contrats passés avec les entreprises françaises, principales clientes de ces services externalisés.
Pour Youssef Chraïbi, président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services (FMES), cette interdiction constitue un choc, certes, mais elle ne touche qu’un pan désormais minoritaire du secteur : « Le marché français représente historiquement plus de 80 % de l’activité des centres de relation client offshore au Maroc, en termes de chiffre d’affaires », explique-t-il dans les colonnes du Matin.
Les petits centres d’appels en danger
Toutefois, précise-t-il, le segment du démarchage téléphonique – ou télémarketing sortant – ne pèse plus aujourd’hui que 15 à 20 % de l’activité globale. Le reste de la valeur ajoutée provient de prestations plus diversifiées : service client, assistance technique, traitement back-office, modération et ainsi de suite.
Ce sont donc surtout les petites structures mono-client ou mono-activité, spécialisées dans le télémarketing, qui se retrouvent en situation de vulnérabilité. « Ces entités, souvent peu diversifiées, risquent de voir leur activité s’effondrer avec, à la clé, des fermetures et des pertes d’emplois », souligne encore Chraïbi.
Le secteur marocain contraint de se réinventer
Selon Le Matin, le choc serait alors double : social, avec des dizaines de milliers de parcours professionnels menacés, et réputationnel, si certaines pratiques persistantes en matière de démarchage non conforme venaient à entacher l’image du secteur.
Toutefois, les grands acteurs du marché – qui concentrent plus de 75 % de l’activité globale – ont anticipé cette évolution. Depuis plusieurs années déjà, ils ont amorcé une transition vers des services à plus forte valeur ajoutée et plus respectueux des cadres réglementaires européens. Cette réorientation stratégique permet d’envisager une certaine résilience du secteur dans son ensemble.
Reste que cette décision législative française agit comme un catalyseur brutal d’une transformation déjà en cours : pour survivre, l’offshoring marocain devra accélérer sa mue vers des services à haute technicité, réduire sa dépendance au marché français, et peut-être réinventer son modèle autour de nouveaux marchés et compétences.