Afrique

Élection à la Banque africaine de développement : cinq visions pour l’Afrique de demain

À l’heure où l’Afrique affronte des bouleversements majeurs dans le financement du développement, cinq candidats briguent la présidence de la Banque africaine de développement. Le scrutin, prévu le 29 mai à Abidjan, s’annonce stratégique : il désignera celui ou celle qui devra redéfinir le rôle de la BAD dans un monde en mutation.

Le 29 mai prochain, les 81 États membres de la Banque africaine de développement (BAD), dont 54 africains, éliront à huis clos à Abidjan le nouveau président de l’institution financière continentale, pour succéder au Nigérian Akinwumi Adesina, dont le second mandat de cinq ans arrive à son terme après dix années à la tête de la BAD.

Cinq candidats sont en lice : le Sénégalais Amadou Hott, la Sud-Africaine Swazi Bajabulile Tshabalala, le Mauritanien Sidi Ould Tah, le Zambien Samuel Munzele Maimbo et le Tchadien Mahamat Abbas Tolli.  

Tous veulent incarner un tournant dans le rôle de la BAD, alors que les financements concessionnels se contractent, que les aides des pays riches s’amenuisent et que les coûts d’emprunt deviennent volatils. Face à ces défis, les 318 milliards de dollars de capital de la BAD représentent un levier vital pour l’Afrique.

Swazi Tshabalala, la réformatrice

Ancienne vice-présidente principale de la BAD, la Sud-Africaine Swazi Bajabulile Tshabalala, unique femme dans la course, veut repenser la structure interne de l’institution. Elle estime que celle-ci manque de cohérence dans l’exécution de ses projets, en particulier dans les infrastructures.

Son ambition : rationaliser les priorités, libérer le potentiel économique du continent en créant des instruments financiers innovants, et bâtir sur les expériences récentes de la BAD en matière de capital hybride.

Amadou Hott, le chantre de l’autonomie financière

Ancien ministre sénégalais de l’Économie, Amadou Hott veut mobiliser davantage les ressources internes du continent. Il plaide pour une augmentation des recettes fiscales – le ratio moyen impôts/PIB en Afrique étant de 16 %, contre 34 % dans l’OCDE – afin d’améliorer les notations souveraines, réduire les coûts d’emprunt et financer les infrastructures critiques.

Il insiste sur la nécessité de structurer des projets capables d’attirer les financements privés africains.

Samuel Maimbo, l’intégration par la finance

Vice-président de la Banque mondiale en congé pour mener campagne, le Zambien Samuel Munzele Maimbo veut s’attaquer aux blocages invisibles : harmonisation réglementaire, circulation des capitaux et renforcement des marchés intra-africains.

Il propose une approche continentale des questions de dette, de commerce et d’infrastructure, estimant que seule une Afrique interconnectée pourra résister aux chocs extérieurs.

Sidi Ould Tah, pour une souveraineté économique africaine

Fort de dix ans à la tête de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique, l’ancien ministre mauritanien Sidi Ould Tah veut repositionner la BAD comme moteur de souveraineté.

Il mise sur la formalisation du secteur informel – qui concerne 83 % de la main-d’œuvre – ainsi que sur des partenariats stratégiques pour convertir chaque dollar mobilisé en dix dollars d’investissement productif, notamment dans des infrastructures résilientes au climat.

Mahamat Tolli, l’autonomie par la rigueur

Ex-ministre tchadien des Finances et gouverneur de banque centrale, Mahamat Abbas Tolli prône une réforme profonde du modèle opérationnel de la BAD. Sa vision repose sur la gouvernance, la transparence et la lutte contre les flux financiers illicites. Il veut consolider les partenariats public-privé, mutualiser les risques et numériser les circuits de financement.

Son parcours personnel, marqué par la guerre et la résilience, nourrit une ambition inclusive : faire de la BAD un outil de transformation pour tous les Africains.

L'élection du 29 mai sera l’occasion d’examiner comment l’Afrique peut mieux valoriser ses ressources, faire face aux défis de la dette, du changement climatique et de la montée des barrières commerciales, dans un contexte géopolitique de plus en plus tendu.