Afrique

Est de la RDC : un «règne de terreur» à Goma, au moins 2000 morts selon les autorités de Kinshasa

Les autorités de la RDC font état d’un «règne de terreur» à Goma, dans le Nord-Kivu, alors que la ville est tombée depuis quelques jours aux mains du M23 et des forces armées rwandaises. L’offensive rebelle a fait au moins 2000 morts, selon un bilan du gouvernement de Kinshasa.

«Il y a plus de 2 000 corps à enterrer dans la ville de Goma» dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) après l’offensive des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, a annoncé le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, lors d’un briefing de presse à Kinshasa le 3 février. Ce chiffre, relève Muyaya, ne prend pas en compte les charniers qui continuent d’être découverts dans la région, rendant difficile, selon lui, de fixer le nombre exact des victimes.

Dans un bilan précédent, le gouvernement de Kinshasa avait annoncé le 1er février qu’au moins 773 personnes avaient été tuées et 2 880 autres blessées «en seulement quatre jours» lors des affrontements pour le contrôle de cette ville, chef-lieu de la province du Nord-Kivu. «Il y a beaucoup de cadavres dans les rues, beaucoup de gens tués», s’était alarmé le 28 janvier depuis Goma le Coordonnateur humanitaire de l’ONU en RDC, Bruno Lemarquis.

Commentant la situation sur le terrain, le porte-parole du gouvernement a dénoncé ce qu’il considère comme une «invasion rwandaise» et non une rébellion. «Il n’y a pas une rébellion au Nord-Kivu, mais une armée d’occupation», a insisté Patrick Muyaya. La situation actuelle à Goma est décrite comme un «règne de terreur», avec de nombreux témoignages faisant état d’enlèvements forcés de civils pour les enrôler dans les forces armées, a affirmé Muyaya.

Lors d’un précédent briefing de presse, Patrick Muyaya avait affirmé que le Rwanda a envoyé «jusqu’à 10 000 soldats» ces derniers jours à l'est de la RDC. Sur le terrain des affrontements, des médias locaux ont indiqué que le groupe rebelle et ses alliés rwandais ont renforcé leurs positions dans plusieurs villages du Nord-Kivu dans la foulée de la prise de Goma, capitale de cette province, tout en poursuivant leur progression dans la province voisine du Sud-Kivu.  

Le M23, qui semble ainsi avoir conforté ses positions, a annoncé un cessez-le-feu, à partir du 4 février, «pour des raisons humanitaires». Les rebelles ont averti néanmoins qu’ils allaient «défendre leurs positions en cas d’attaques». Parallèlement, les autorités de Kinshasa ont demandé une session d'urgence du Conseil des droits de l'homme de l'ONU pour discuter de la situation dans la ville de Goma, après sa prise par les rebelles et les forces armées rwandaises.

Riposte diplomatique et politique

À Kinshasa, les deux chambres du Parlement tiennent, ce 4 février, une session plénière extraordinaire à la demande du président Félix Tshisekedi, afin d’examiner la situation sécuritaire dans l’est du pays et «coordonner la riposte militaire, diplomatique et politique» de la RDC contre ce que les autorités congolaises qualifient d’«agression rwandaise qui continue d’ensanglanter» la région.

La veille, les chefs religieux des églises catholique et protestantes du pays avaient présenté au président Tshisekedi, un projet de réconciliation et de sortie de crise, qu’il ont qualifié de «pacte social pour la paix». «Pour nous, c’est incompréhensible. Voilà pourquoi nous, en tant que pasteurs, nous prenons notre responsabilité d’aller vers les uns et les autres pour voir comment trouver ensemble une solution», a déclaré le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa.

Sur le plan diplomatique, le président kényan William Ruto, a annoncé la tenue d'un sommet conjoint de la Communauté des États d'Afrique de l'Est (EAC) et de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC). Cette rencontre se déroulera les 7 et 8 février à Dar es Salaam en Tanzanie, «en présence de Paul Kagame et Félix Tshisekedi», selon le Kenya. Auparavant, le ministre qatari des Affaires étrangères s'est entretenu séparément avec les présidents congolais et rwandais. Ils ont discuté «des moyens de réduire les tensions» dans la région.

Depuis le début de l’année, le M23 a lancé des opérations de grande envergure dans les régions du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, avec l’appui des forces armées du Rwanda. Cette offensive a permis aux rebelles, munis d'artillerie lourde, d’étendre de manière significative leur territoire par la prise de plusieurs villes en l’espace de quelques semaines. Face à cette escalade, la RDC a annoncé, le 25 janvier la rupture de ses relations diplomatiques avec le Rwanda, alors que les dirigeants des pays voisins ont dénoncé «l’agression» rwandaise qui déstabilise toute la région.

Alors que l’armée de Kinshasa tente de contenir les rebelles, les efforts diplomatiques, tels que le processus de Luanda parrainé par l’Angola ou les récentes tentatives de médiation du Kenya, peinent à produire des résultats concrets face à l'absence de coopération du Rwanda. La RDC est confrontée depuis plusieurs années à une guerre meurtrière provoquée par la rébellion du M23, actif au Nord-Kivu, dans l’est du pays. Le groupe armé a été créé en 2012 par des officiers entrés en rébellion contre le gouvernement central.