«Il n’y a tout simplement pas d’autre formulation que d’appeler cela une incitation directe au terrorisme», a déclaré ce 8 mai Maria Zakharova lors d’un point presse. «Il est choquant qu'il ne s'agisse pas d'une déclaration d'un représentant d'un parti politique marginal, d'un mouvement extrémiste», a ajouté la porte-parole de la diplomatie russe. Celle-ci réagissait aux propos tenus deux jours plus tôt par son homologue européen, Peter Stano.
«Il est clair pour nous que l'Ukraine lutte pour sa survie et a un droit légitime à l'autodéfense», avait déclaré le porte-parole de l'Union européenne pour la politique étrangère, précisant que, «généralement», il ne commentait pas les «questions opérationnelles et les questions de stratégie militaire». Celui-ci répondait à la question d’un journaliste de savoir si Bruxelles considérait le pont de Crimée comme une cible militaire légitime de Kiev.
«Les déclarations inacceptables de Stano prouvent que l'Union européenne n'est pas seulement un sponsor du régime de Kiev», a poursuivi Maria Zakharova, soulignant qu’en tant que porte-parole, Peter Stano parlait «en principe au nom de l’ensemble de l’Union européenne». «Par ses déclarations, il incite Kiev à poursuivre ses attaques contre les villes russes pacifiques et les infrastructures civiles», a ajouté la diplomate.
Le 6 mai, l'agence de renseignement privée ukrainienne Molfar avait estimé, sur la base d'images satellites fournies par la société américaine Maxar Technologies, qu'«attaquer le pont de Crimée» n'avait désormais «plus de sens». Les images, selon les Ukrainiens eux-mêmes, «peuvent confirmer que les Russes ne transportent pas de marchandises militaires via la section ferroviaire du pont», avait ajouté l'agence.
Le pont de Crimée, toujours dans le collimateur de Kiev
Pour autant, Kiev s'entête à vouloir détruire le pont de Crimée. Sa destruction serait «inévitable», selon de hauts responsables du renseignement militaire ukrainien (GUR), cités début avril par le quotidien britannique The Guardian, affirmant qu'une troisième tentative de détruire l'ouvrage serait prévue «au premier semestre 2024».
En juillet 2023, les services ukrainiens de sécurité (SBU) et la marine ukrainienne avaient mené une attaque contre l’ouvrage à l’aide de deux drones de surface, tuant un couple d’automobilistes et blessant leur fille. Le patron du SBU avait également revendiqué à la télévision américaine l’attaque menée, en octobre 2022, à l’aide d’un camion piégé. L’explosion avait endommagé le pont et tué cinq personnes.
Le 1er mai, l’ambassadeur ukrainien auprès de l’ONU Sergiy Kyslytsya publiait sur X (ex-Twitter) un post faisant allusion à la destruction du pont de Crimée. Celui-ci présente des illustrations des «six principaux types de ponts», tel qu’à haubans ou suspendu, la vignette «Pont de Kerch» apparaissant vide.
Washington a confirmé avoir secrètement livré en février des missiles longue portée ATACMS à Kiev par Washington, dont la Défense russe a annoncé ces derniers jours avoir détruit plusieurs exemplaires au-dessus de la péninsule criméenne. Selon le média russe Rybar, ces premières attaques pourraient avoir été menées en préparation d'une frappe contre le pont de Crimée.
Frappes en Russie : la parole des responsables européens de plus en plus débridée
Sur le Vieux Continent, une tonalité similaire à celle de Peter Stano a récemment été adoptée par le chef de la diplomatie britannique, David Cameron. En déplacement à Kiev le 2 mai, l’ancien locataire du 10 Downing Street avait déclaré à l’agence Reuters que l’Ukraine avait le droit de frapper à l’intérieur de la Russie, estimant que Kiev pouvait à cet égard employer des armes britanniques si elle le désirait. «L'Ukraine a absolument le droit de riposter contre la Russie. L’Ukraine a ce droit», avait-il insisté, suite à une demande de clarification du journaliste quant à des frappes à «l’intérieur de la Russie».
Des déclarations qui avaient valu à l’ambassadeur du Royaume-Uni à Moscou d’être convoqué par la diplomatie russe. Cette dernière a alors averti l’envoyé britannique que la Russie pourrait viser «n'importe quelle installation et équipement militaire britannique sur le territoire ukrainien et au-delà» en réponse à des frappes ukrainiennes utilisant des armes britanniques sur le territoire russe.