«Si quelqu’un nous confisque quelque chose, nous chercherons à savoir ce que nous pouvons confisquer en retour», a assuré ce 22 décembre le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Ce dernier réagissait aux déclarations de la veille du porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain John Kirby. Interrogé par un journaliste sur des discussions qui seraient en cours entre les États-Unis et l’Union européenne «pour déterminer si les avoirs russes saisis peuvent être utilisés pour aider à financer l’Ukraine», le responsable américain avait déclaré qu’il était «trop tôt pour se prononcer».
Depuis plusieurs semaines, les articles fleurissent dans la presse anglo-saxonne au sujet des projets des pays du G7 de mettre à profit les fonds russes gelés en Occident afin de financer leur soutien à Kiev. Le 11 décembre, le Financial Times ébruitait un projet de la Commission européenne de confisquer les bénéfices générés par les actifs gelés de la Banque de Russie. Le gain de cette manœuvre serait toutefois limité à 3 milliards par an, selon le quotidien économique britannique.
Près de 260 milliards d’actifs russes – majoritairement de la Banque de Russie - sont aujourd’hui gelés dans les pays du G7. Des fonds en très grande partie situés en Europe. Selon le décompte du Financial Times, les États-Unis ne détiendraient que 4,6 milliards d’euros de fonds russes.
Le plan de leur confiscation a suscité l’inquiétude du Fonds monétaire international. Dans un rapport publié le 8 décembre, l’instance washingtonienne mettait en garde Bruxelles, estimant que ce projet «pourrait avoir un impact sur la stabilité financière et le fonctionnement des marchés financiers à l’échelle mondiale».
Un argument repris par le porte-parole du Kremlin ce 22 décembre, lequel prévient que la confiscation d’avoirs placés par un pays tiers dans un autre serait «extrêmement dangereuse pour le système financier mondial». Dmitri Peskov estime que tout ce système serait «gravement affecté».
Le Financial Times révélait en effet le 15 décembre qu’un mémo circulant au sein de l'exécutif américain suggérait la confiscation pure et simple des avoirs russes gelés, et que les États-Unis affirmaient «devant les comités du G7 qu’il existe un moyen de saisir les actifs "conformément au droit international"». Une saisie en «guise de contre-mesure pour inciter la Russie à mettre fin à son agression», justifiait ce document. Selon une source du journal britannique, celle-ci pourrait être actée à l’occasion d’un sommet du G7 qui coïnciderait avec le second anniversaire de l’offensive russe en Ukraine.
Les États-Unis, «une nation voleuse», selon Lavrov
«Une telle démarche serait inacceptable», a fustigé Dmitri Peskov. «Ceux qui cherchent à lancer cette initiative et ceux qui la mettront en œuvre doivent savoir que la Russie ne les laissera jamais tranquilles», a mis en garde le porte-parole, avant de poursuivre : «Elle ne cessera d’exercer son droit à les poursuivre en justice, sur le plan international, national et autre.»
Les États-Unis ont déjà ouvert la voie à la confiscation d’avoirs de personnes privées russes, les responsables politiques se gardant toutefois d'adouber publiquement la démarche. En mai dernier, le procureur général des États-Unis avait donné son feu vert à un premier transfert vers l’Ukraine de fonds gelés d’un homme d’affaires russe. Cela «ne sera pas le dernier», avait-il assuré. Une manœuvre qui semble avoir fait des émules en Europe. Le 20 décembre, le bureau du procureur général allemand a confirmé le dépôt d’une requête en confiscation d’actifs, auprès d’un tribunal de Francfort, concernant 720 millions d'euros d’actifs gelés d’une société russe. De la confiscation d'avoirs de personnes privées à ceux de l'État russe, n'y aurait-il qu'un pas ?
«C’est une nation voleuse, nous l’avons compris depuis longtemps», a commenté le 21 décembre Sergueï Lavrov, lors d’un déplacement en Tunisie, fustigeant le rôle des États-Unis envers les Européens. Le chef de la diplomatie russe avait renvoyé à la mise en garde, adressée plus tôt dans la journée, par son homologue des Finances Anton Silouanov. «Si une telle décision est prise, la Fédération de Russie réagira de manière absolument symétrique», a averti ce dernier, assurant que les autorités russes avaient sous la main «suffisamment d’actifs» de pays hostiles.
Comme le relatait le quotidien britannique, cette «poussée» survient au moment où le Congrès des États-Unis a retoqué une enveloppe comprenant 61 milliards de dollars d’aide militaire destinée à l’Ukraine et où, en Europe, le Premier ministre hongrois a mis son veto à une aide financière à Kiev de 50 milliards d’euros.