Face aux «spéculations», Sergueï Lavrov a voulu opposer «des faits» : ce 8 novembre, le ministre russe des Affaires étrangères a présidé une table ronde devant 35 ambassadeurs, précisant la position de Moscou face aux conséquences, pour le monde, de la crise ukrainienne.
Une crise «déclenchée par l’Occident», qui a cherché, via des «restrictions unilatérales sans précédent» à «détruire l’économie russe», mais aussi à «forcer le gouvernement à renoncer à sa ligne indépendante dans les affaires étrangères et à pousser la population à manifester contre le pouvoir». «Ils mènent cette politique dans de nombreux pays, y compris dans des pays dont les représentants sont ici présents», a dénoncé le ministre russe.
L’Europe victime de Washington
Pourtant, près de deux années plus tard, Moscou estime que ces tentatives ont échoué. Une «évidence» désormais, et «pour tout le monde », selon Sergueï Lavrov : «Notre économie russe s’est adaptée, la croissance économique va s’élever à 3,9%, alors que les économies des pays occidentaux connaissent une chute.» «Qui est frappé par les sanctions en réalité ?», a-t-il interrogé. L’Europe, surtout, a-t-il répondu.
«Washington, de fait, anéantit l’économie des pays occidentaux et impose son gaz naturel liquéfié, plus cher que le gaz russe». «Le business européen a perdu jusqu’à 250 milliards de dollars», du fait des sanctions, a-t-il estimé.
«Le processus de dédollarisation va s’accélérer»
«Nous n’avons pas besoin de la levée de ces sanctions», a même déclaré le ministre russe, «nous allons compter sur nous-mêmes». Et Lavrov d’égrainer les politiques avancées ou projetées par Moscou en réaction à la guerre économique livrée par l’Occident afin de bâtir «un système indépendant de l’Occident» : le développement de l’industrie locale et de nouvelles technologies, de nouvelles voies commerciales, comme le corridor Nord-Sud partant de Saint-Pétersbourg pour atteindre le golfe Persique, ou encore l’utilisation grandissante de monnaies nationales.
A cet égard, Sergueï Lavrov a salué les «locomotives de la dédollarisation», notamment le Brésil. La question d’une monnaie commune, destinée aux échanges et investissements entre les pays membres, avait en effet été soulevée au mois d’août dernier lors du sommet des BRICS de Johannesbourg par le président Lula.
Aujourd’hui à l’étude, elle sera de nouveau évoquée l’année prochaine à Kazan sous la présidence russe des BRICS, a annoncé le ministre russe. «Nous n’en sommes qu’au début mais le processus de dédollarisation va s’accélérer», a-t-il promis.
L’Occident a voulu imposer une transition verte au monde
Sergueï Lavrov a, plus encore, accusé Washington d'être responsable de la crise énergétique actuelle, rejetant les tentatives américaines «de montrer que les Russes l’ont provoquée». «Les raisons de ces impacts négatifs sont les actions irréfléchies des Occidentaux provoquées par une transition verte imposée à des pays qui n’étaient pas prêts», a dénoncé le chef de la diplomatie russe. Et d'ajouter : «Ils ont limité leurs investissements dans le secteur pétrolier, renonçant aux sources traditionnelles d’énergie.»
«Je parle bien sûr du plafond sur le pétrole», décrété par le G7 fin 2022, a précisé Sergueï Lavrov. Celui-ci a «porté un coup à la stabilité économique [mondiale]», entraînant «la rupture de chaînes traditionnelles de commerce» et «la croissance de coûts de production». Les attentats contre les gazoducs Nord Stream n’ont pas arrangé les choses, «rompant l’espoir de voir le gaz russe arriver de nouveau en Europe», a-t-il fait observer.
Lavrov fustige la mauvaise foi occidentale
Dénonçant ensuite les campagnes menées par les Occidentaux à la suite de l’affaire de Boutcha, alors que les troupes avaient selon lui quitté la ville, ou après le retrait de la Russie de l’accord céréalier en mer Noire, Sergueï Lavrov a dénoncé une accumulation de mauvaise foi.
«Ils essaient de cacher sous le tapis des faits évidents : au début de la pandémie, les Etats-Unis, le Japon, l’Europe ont imprimé des milliards d’argent, ont acheté tous les aliments dans le monde, ils ont créé une crise aiguë sur le marché alimentaire mondial», a regretté le ministre, avant d’indiquer que les prix de l’alimentation avaient «diminué à partir de mars 2022», coïncidant avec le début du conflit ukrainien.
Le diplomate a enfin dénoncé le blocage de 200 000 tonnes d’engrais russes dans les ports européens en 2022 du fait des sanctions. «Il a fallu plus d’une année pour l’envoyer au Malawi et au Kenya» : une affaire qui a démontré selon lui le refus des pays occidentaux d'aider les pays en développement si un problème se trouve en lien avec la Russie.