La crise du Covid-19 a été gérée de manière catastrophique par Macron et sa troupe. La mission indépendante, voulue par le président français, enterre le dossier et se focalise sur des propositions sans intérêt.
Emmanuel Macron avait créé en juin 2020 une «Mission indépendante nationale sur l’évaluation de la gestion de la crise du Covid-19». Son rapport était censé permettre aux Français «d’avoir accès à une information transparente, complète, et lucide». Le Parlement enquêtait de son côté mais il avait été préventivement décidé que ses conclusions seraient défavorables, donc partisanes. Rien de tel qu’une enquête indépendante diligentée par l’Elysée pour assurer un regard neutre, objectif, supérieur, expert, en un mot.
Une première version du rapport avait été remise, comme convenu, en octobre. En gros, la France était mal préparée et avait mal géré mais tout n’était pas de sa faute, le virus y avait mis beaucoup de mauvaise volonté. Macron salua le travail et, tout en se félicitant régulièrement et lucidement de sa parfaite gestion de la crise, promit en même temps qu’il en tirerait d’utiles enseignements. Nous sommes six mois plus tard. La version définitive a été rendue. Sa version intermédiaire a-t-elle servi à quoi que ce soit ?
Après la comédie des masques, la pantalonnade du gel, les interdictions, les attestations et les couvre-feux, les indécisions des modèles, l’appel hystérique à «la Science» pour justifier tout et son contraire, les mensonges, les invraisemblances et les contradictions, on a eu droit aux vaccins. C’est-à-dire à des règles de distribution, d’autorisation, d’administration, de prééminence si alambiquées, si confuses, si pathétiques dans la volonté de ne rien assumer, si désespérées dans l’aveu implicite d’une complète inefficacité et d’une totale incapacité à organiser quoi que ce soit, que rien ne pouvait égaler cette déroute sinon la lenteur de la vaccination – surtout comparée aux vaccinations dans les autres pays. Mais Macron a continué d’affirmer simultanément que la France était un modèle pour tous et qu’il fallait se transformer, que ses stratégies étaient les bonnes mais qu’on allait les simplifier, qu’il était devenu épidémiologiste aussi facilement qu’il avait été banquier et qu’il pouvait donc se passer des avis d’un Haut conseil qu’il avait mis en place.
L’amateurisme le plus complet s’est doublé d’une communication aussi détestable que lors des six premiers mois de l’épidémie et chaque critique a été balayée comme n’étant que «polémique» en même temps que ce gouvernement tentait par tous les moyens de se donner des pouvoirs exceptionnels pour ne produire qu’une très ordinaire faillite publique dans la gestion du pays, la santé étant aussi bien traitée que la sécurité ou l’éducation.
Economiquement, les progressives restrictions aberrantes et sanitairement inutiles (comme on le voit en regardant d’autres pays) ont ruiné des milliers de commerçants, d’artisans et de travailleurs indépendants, en attendant que les PME se déclarent en faillite, une fois les aides coupées, incapables de faire face à l’envolée du prix des matières premières et des matériaux. Le « quoi qu’il en coûte » macronien a alourdi la dette française dans des proportions phénoménales, et les espoirs un peu fous dans un argent qui ne coûterait rien et ne serait même pas à rembourser vont bientôt fondre comme neige au soleil et ressembleront à l’herbe pelée qu’on voit aujourd’hui dans les stations de ski enfin autorisée à rouvrir – sans neige.
Médicalement, on a tant repoussé les opérations et les traitements que les maladies chroniques se sont transformées en maladies aggravées à un stade avancé et les futurs opérés en invalides immédiats. Ces foutus masques qu’on nous disait inutiles sont toujours obligatoires même quand ils ne servent à rien, au bord des plages, en rase campagne et au cœur des forêts, et les forces de l’ordre arpentent les territoires dont la racaille ne les chasse pas pour distribuer des contraventions à ceux qui osent offrir un visage libre. Quant au personnel médical, épuisé et dégoûté, il réclame en vain des moyens qu’il n’aura pas et une considération qu’il n’aura plus.
Psychologiquement, les Français sont partagés entre les apeurés qu’on a rendus fous d’inquiétude et les énervés qui ont perdu toute confiance dans la puissance publique : les premiers jurent qu’ils garderont le masque entre deux bouchées avalées à la terrasse des cafés une fois que l’OMS leur aura juré qu’il n’y a aucun risque, les seconds ont pris l’habitude de mentir chaque fois qu’ils remplissent ces absurdes attestations. Une troisième catégorie se contente d’être totalement déprimée par une vie étudiante qui ferait le bonheur d’un Chartreux, ou les décès scandaleux des proches en Ehpad ou à l’hôpital, ou les joies du chômage ou encore les déclarations d’Olivier Véran, cafardeux en chef.
Tous ces échecs, sévères, vérifiables, et aux conséquences de long terme, n’empêchent pas la Mission conduite par l’épidémiologiste suisse Pittet de distribuer avec bonhommie quelques menus reproches tempérés par de discrètes satisfactions : vous avez été nuls mais l’Union européenne aussi, vous vous y êtes pris comme des manches contrairement aux Anglais mais c’est bien normal qu’on ne réussisse pas tout du premier coup («le manque de recul pourrait donner une part excessive aux dysfonctionnements initiaux [de la campagne de vaccination] relativement inévitables»), vous n’avez rien appris des six premiers mois mais c’est compliqué pour un pays centralisé comme le vôtre, c’est pitoyable mais vous avez amélioré votre pilotage.
Quelles que soient les préconisations du rapport (en gros, renforcer tout ce qui ne va pas et donner tout le pouvoir possible à l’Etat tentaculaire et aux médecins obsédés de contrôle), nul doute que la prochaine petite épidémie verra refleurir toutes les mauvaises raisons pour justifier toutes les mauvaises décisions. Nul doute qu'à la lumière d'un tel rapport, Macron affirmera qu’il en tirera toutes les utiles leçons, la première étant qu’il a admirablement agi. Telles sont les vertus des missions indépendantes.