Marion Maréchal-Le Pen à RT: «Il est grand temps de s’atteler avec les Russes contre Daesh»

Marion Maréchal-Le Pen, députée de Vaucluse (FN), a accordé à RT France une interview pour évoquer les questions d’actualité, en particulier les derniers événements en Syrie, mais aussi la crise migratoire en Europe et en France.

RT France : Vous êtes à Moscou pour discuter de la situation en Syrie. Ne craignez-vous pas que les médias français ne vous accusent de vouloir flirter avec Moscou ?

Marion Maréchal-Le Pen : Souvenez-vous, cela fait bien longtemps que je fais bien peu de cas de ce que pensent les médias occidentaux à mon endroit, car je crois que souvent ils se font les porte-paroles des grandes erreurs du gouvernement français derrière les Etats-Unis. On l’a vu en Libye et en Irak, on le voit aujourd’hui en Syrie. Je crois que l’opinion publique française n’est plus du tout dupe de ses stratégies, elle a bien compris qu’aujourd’hui, l’ennemi numéro un, c’est bien l’Etat islamique. C’est lui qui nous menace, c’est nous lui qu’il faut lutter de prime abord, avec les russes, mais aussi avec un ensemble des pays dans le cadre d’une coalition internationale.

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RT France : Toujours au sujet de la Syrie, quel est votre opinion concernant l’opération militaire de la Russie dans ce pays ?

Marion Maréchal-Le Pen : Je remercie les russes, qui une fois de plus font le travail que n’a pas eu le courage de faire le gouvernement français. Heureusement, il y a d’ailleurs eu une inflexion de la politique étrangère sur ce sujet du gouvernement socialiste qui accepte maintenant de faire de la reconnaissance et des frappes aériennes, mais bien tard. Bien tard, puisque ça fait des mois qu’au Front national, nous plaidons pour cette intervention, et qu’il se refuse à la faire au prétexte que cela puisse indirectement renforcer Bachar el-Assad. En choisissant de faire cela, il faisait fi de la sécurité des français, puisqu’aujourd’hui il faut quand même le savoir, la France est un des principaux ennemis de l’Etat islamique. Dans ces conditions, nous sommes le pays le plus susceptible de subir des frappes terroristes extrêmement importantes. Il était donc grand temps de s’atteler, avec les russes, et aussi avec d’autres pays à arrêter l’expansion de cet Etat islamique.

RT France : Encore hier, la Justice française a entamé des poursuites contre Bachar el-Assad pour ses «crimes», commis en Syrie. On voit aussi que Laurent Fabius dit qu’Assad doit partir de toute façon, alors qu’Angela Merkel semble avoir changé de ton. Est-ce que, selon vous, Assad et Daesh représentent une menace équivalente aux yeux de la France ?

Marion Maréchal-Le Pen : Je crois que tout le monde s’accorde à dire que la personne qui menace aujourd’hui la France n’est pas Bachar el-Assad, c’est clairement l’Etat islamique. Aujourd’hui, les personnes qui viennent par centaines de milliers réclamer l’asile en France, ne le font pas en fuyant le régime de Bachar el-Assad mais les exactions commises par les extrémistes de l’Etat islamique. Dans ces conditions, il est clair que la priorité est évidemment de lutter contre ce dernier.

Au Front national, nous sommes pour la vision diplomatique historique de la France, qui a été reniée par Nicolas Sarkozy et trahie également par François Hollande, qui est celle du respect de l’équilibre, qui est celle du respect de la souveraineté nationale, de l’acceptation d’un monde multipolaire où on se refuse à l’ingérence, à vouloir imposer des modèles de droits de l’Homme ou de démocratie et ainsi perturber des équilibres dans des pays qui, bon an mal an, arrivaient tout de même à faire cohabiter des minorités entre elles, à imposer la laïcité. En voulant jouer aux apprentis sorciers sous des prétextes humanistes qui en réalité ne sont que des paravents, parce qu’on sait bien que ce sont des intérêts souvent énergétiques et stratégiques qui se dissimulent, on a déstabilisé le Proche et le Moyen-Orient et nous sommes coupables aujourd’hui du flux migratoire considérable qui va se déverser en Europe. Dans ces conditions, il est grand temps de rattraper les erreurs faites en amont, c’est-à-dire en tentant de rétablir tant que faire se peut la stabilité dans ces pays, mais aussi en aval, en régulant de façon beaucoup plus drastique les taux d’immigration.

RT France : En parlant d’immigration, dans la région que vous représentez (3ème circonscription du Vaucluse - ndlr), le nombre d’immigrés est particulièrement élevé. Le Front national propose de construire des camps de réfugiés dans leurs régions d’origine, c’est-à-dire en Syrie et en Libye. Mais est-ce que cela pourrait vraiment régler le problème ? Croyez-vous que la France peut rester imperméable à cette immigration ?

Marion Maréchal-Le Pen : Penser pouvoir accueillir toute la misère du monde est un discours qui n’est plus audible pour nos compatriotes, puisque nous sommes un pays en crise, un pays gravement endetté. Nous subissons tous les jours les conséquences d’une immigration totalement «irrégulée» et très importante, qui font qu’aujourd’hui il y a des problèmes identitaires, sécuritaires, des problèmes de développement de l’islam radical et même du terrorisme. Il faut le dire clairement : nous n’avons plus les moyens d’accepter de l’immigration supplémentaire, qu’elle soit légale ou illégale. Nous savons aussi que lorsque nous accueillons des personnes sur notre territoire, de manière générale, seule une infime minorité repart. Dans ces conditions, je pense qu’il faut évidemment préférer une politique en amont, c’est-à-dire assurer la stabilité de ces pays par des moyens militaires certes, mais aussi politiques, diplomatiques et humanitaires, en mettant les moyens de pouvoir permettre à ces populations de survivre dans les camps que pourraient construire les pays limitrophes dans l’attente que la stabilité de leur pays revienne.

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RT France : A propos de politique européenne, on constate que de plus en plus de personnalités politiques s’expriment en faveur de la levée des sanctions. Mais de la part des dirigeants français, on entend principalement le contraire : on ne vend pas les Mistral, on ne reconnait pas la Crimée. Selon vous, quelle est la direction à prendre ?

Marion Maréchal-Le Pen : Ce qui est, je crois, très particulier en Europe et notamment en France, c’est ce que j’appelle «l’indignation à géométrie variable». C’est-à-dire, au prétexte que telle ou telle mesure ou loi ne plairait pas au sein de la Russie, on met souvent en avant la soi-disant homophobie, et bien, il faudrait critiquer, voire rejeter. C’est le genre de considération qu’on n’a pas lorsqu’il s’agit d’avoir des partenariats souvent très poussés avec des pays comme le Qatar ou l’Arabie saoudite, qui sont pourtant loin d’être des pays démocratiques, grands défenseurs des droits de l’Homme. Ce sont même des pays islamistes légaux, il faut le dire.

Nous sommes totalement opposés à la question des sanctions que nous considérons contreproductives. En particulier sur les Mistral, nous allons payer diplomatiquement et financièrement très cher cette décision, puisque nous en avons pour des millions d’euros de pertes, et surtout, nous perdons notre crédibilité à l’international. Tout ça, après avoir été poussés par les Etats-Unis, qui dans le même temps n’avaient aucun complexe à signer un contrat spatial avec les russes. Nous sommes donc toujours le dindon de la farce, nous subissons toujours les conséquences de cette politique totalement absurde. Il ne faut pas oublier que la Russie est un allié de très longue date, c’est un partenaire énergétique et géopolitique, nous faisons partie du même continent européen. Dans ces conditions, il faut savoir raison garder et essayer d’avoir une politique d’équilibre, du réel, sans toujours s’aligner sur les désidératas des Etats-Unis.

RT : De nombreuses personnes en France disent que vous êtes l'héritière de Jean-Marie Le Pen et que vous êtes plus conservatrice que Marine Le Pen où Florian Philippot. Vous considérez-vous vraiment comme l'héritière de Jean-Marie Le Pen ?

Marion Maréchal-Le Pen : Tout d'abord, je suis l'héritière d'une famille. Jean-Marie Le Pen est mon grand père et je lui dois beaucoup. Par ailleurs, je suis aussi indéniablement une héritière politique, puisque je suis élue au sein de ce mouvement qu’il a participé à créer, puis diriger, à porter à bout de bras pendant des décennies. Pour moi c'est une fierté d'être la petite fille d'un homme comme lui. J’ai néanmoins été élue au suffrage universel, je n'ai pas été nommée, donc je pense avoir une vraie légitimité politique.

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Le terme «conservateur» a certes beaucoup de connotations négatives,  mais pour moi il est positif.  C'est le fait de conserver ce qu’il y a de bon au sein d’une société, de ne pas être dans une recherche de révolution permanente qui voudrait que le passé soit nécessairement critiquable et à jeter à la poubelle et qu'il faudrait tendre vers un progrès totalement artificiel que nous vend notamment la gauche. C’est dans cette réflexion-là que j’ai été une fervente opposante au mariage et à l’adoption pour les homosexuels, car je considère qu’ils mettent à mal le modèle multiséculaire du mariage d’un homme et d’une femme, qui est le cadre naturel de l’affiliation. Je crois que le droit des enfants à avoir un papa et une maman doit avoir la primauté sur le désir d’avoir des enfants.