RT France : Les Etats-Unis ont frappé une base syrienne après l’attaque chimique à Idlib. Pensez-vous que ce soi une réponse appropriée, alors qu’il n’a pas encore été prouvé que l’attaque avait été effectuée par le gouvernement syrien ?
Thierry Mariani (T. M.) : Tout cela me semble complètement prématuré. Il y a des civils qui ont de toute évidence été victimes d’une attaque au gaz, mais la première chose à faire, c’est avant tout une enquête sérieuse. Nous avons aujourd’hui deux versions : celle de Recep Tayyip Erdogan qui consiste à dire que le gouvernement syrien est responsable de l’attaque et celle qui dit qu’en réalité l’armée syrienne a bombardé des entrepôts, et que dans ces entrepôts il y avait du gaz à disposition des djihadistes. Je ne vois pas quelle serait l’utilité d’une attaque au gaz pour le gouvernement syrien. D’abord, cette zone n’est absolument pas stratégique, deuxièmement, on voit bien que la situation de la Syrie sur le plan diplomatique s’améliore. Quelles que soient les conditions, faire une attaque au gaz dans ce contexte semble stupide. A titre personnel, je pense qu’il faut d’abord vérifier qui était coupable et qui détenait réellement ce gaz. Ensuite, je me demande si la riposte américaine n’est pas aussi un message envoyé au peuple américain, parce qu’on voit tout de suite que la première réaction de l’administration de Donald Trump a été de dire : «On n’est pas comme Barack Obama.» Aujourd’hui on n’est même pas sûr de la culpabilité du gouvernement syrien dans ce dossier. Cela me semble donc manquer de réflexion.
C’est une attitude disproportionnée, tant qu’on n’est pas sûr de l'identité du responsable et dangereuse, parce qu’on sait très bien que, dans ce genre d’attaque, il peut toujours avoir des dérapages
RT France : Cette intervention ressemble-t-elle aux interventions précédentes des Etats-Unis comme en Irak, par exemple ?
T. M. : Si c’est une frappe isolée – non, mais j’espère que ce n’est pas le premier pas de l’engrenage. C’est plutôt une politique qu’on attendait d’Hillary Clinton et pas de Donald Trump. C’est une attitude disproportionnée, tant qu’on n’est pas sûr de l'identité du responsable, et dangereuse, parce qu’on sait très bien que, dans ce genre d’attaque, il peut toujours avoir des dérapages.
Si cette opération devrait se renouveler, on a effectivement de vrais risques
RT France : Il y a donc pour vous une possibilité de dérapage ?
T. M. : C’est un site sur lequel en réalité il n’y a aucun observateur international, sur lequel les informations portant sur les accusations sur le gouvernement syrien sont fournies soit uniquement par l’opposition, soit par les puissances étrangères ouvertement hostiles à la Syrie. Pour désigner un coupable, le minimum est de faire une enquête. Les populations civiles peuvent aussi être touchées, les Américains sont habitués à ce genre de dérapages, comme c’est hélas le cas dans toutes les guerres. S'il s'agit d'une opération qui se limite aux tirs d’un cinquantaine des missiles, ce n’est pas dramatique, mais si cette opération devait se renouveler, on a effectivement de vrais risques.