RT France : 6 ans après le début de la guerre en Syrie, voit-on la fin de l'interminable conflit en Syrie ?
Frédéric Pichon (F. P.) : Je viens de publier un livre qui s’intitule «Syrie, une guerre pour rien» dans lequel j’essaie d'en faire un bilan. Il y a cette idée qu’effectivement la guerre est terminée : plus personne, à part évidemment les jusqu’au-boutistes de l’Etat islamique ou d’Al-Qaïda n’envisage sérieusement un renversement du régime en place à Damas. Le cercle de la violence n’est pas encore terminé, parce qu'il y a encore des attentats, mais c’est une violence de basse intensité qui va sans doute perdurer quelques années. Politiquement, la guerre est terminée. Elle se termine, comme on a pu le voir, avec une marginalisation dans la région des acteurs traditionnels, qui étaient les Occidentaux, au profit de nouvelles puissances que sont l’Iran, la Russie, la Turquie.
RT France : Cela veut-il dire que certains protagonistes, c’est-à-dire les membres de la coalition occidentale, dont fait partie la France, ont renoncé à leur exigence voir partir Bachar el-Assad ?
F. P. : Je crois que c'est le cas, même si, verbalement, ils continuent d’agiter ce mantra du départ préalable d’Assad. Du point de vue des mots, ce n’est pas toujours très clair, mais tout le monde le sait très bien.
Le Pentagone a visiblement décidé que la priorité n’était pas Assad
RT France : Que peut-on dire de la participation des Etats-Unis à ce conflit, alors que des troupes américaines sont envoyées au sol en Syrie ?
F. P. : C’est effectivement étonnant de la part de Donald Trump, qui avait aussi annoncé avoir comme objectif prioritaire de vaincre l’Etat islamique, en poussant ainsi la question Assad au deuxième plan. Mais je ne crois pas que ça soit une contradiction, au contraire. On l’a bien vu avec les Kurdes au nord de Raqqa : les forces spéciales américaines assistent des unités kurdes qui viennent eux-mêmes de faire leur jonction avec l’armée syrienne. Le Pentagone a donc visiblement décidé que la priorité n’était pas Assad. Après, ce sont des forces spéciales, ce n’est pas un engagement massif. Il y a encore eu un article aujourd’hui dans le New York Times évoquant un plan de protectorat américain sur les sunnites de l’Est de la Syrie. Je crois que c’est absolument fantaisiste. Donald Trump ne prendra surtout pas le risque de laisser des troupes en Syrie, l’expérience en Afghanistan et en Irak a vacciné définitivement l’Amérique et l’Occident contre ce genre de projets.
Une grande partie de l’entourage d'Al-Baghdadi, voire Al-Baghdadi lui-même, s'est déportée vers l’ouest en Syrie
RT France : La bataille qui a actuellement lieu à Mossoul pourrait-elle faire partir d'Irak une partie des djihadistes vers la Syrie et, du coup, provoquer une intensification du conflit sur le sol syrien ?
F. P. : Oui,c’estdéjà le cas, une grande partie de l’entourage d'Al-Baghdadi, voire Al-Baghdadi lui-même, s'est déportée vers l’ouest en Syrie. C’est sans doute là que se dérouleront les derniers combats contre Daesh. Il n’est d’ailleurs pas exclu que l’armée iranienne participe aussi à des opérations sur le territoire syrien pour en finir avec Daesh.