RT : Starbucks vient de déclarer qu'ils allaient embaucher 10 000 réfugiés. Comment jugez-vous cette démarche ? Pensez-vous qu’il y a une motivation politique ou commerciale derrière cela, ou estiment-ils vraiment que c’est une bonne chose à faire du point de vue moral ?
Tim Young (T. Y.) : Je pense que cette annonce n'est pas moralement une bonne chose. C’est une démarche tout à fait commerciale et politique. S’ils voulaient aider les réfugiés, ils l’auraient fait avant que l'affaire ne soit totalement politisée. Ils ne le font que maintenant juste pour attirer plus de clients – ils voient ce large groupe de gens de gauche, qui protestent contre Donald Trump, et ils veulent en profiter. Et c’est un bon moyen de faire des affaires.
RT : Mais un contre-argument s’y oppose : il est possible qu’ils perdent les clients qui soutiennent Donald Trump. Beaucoup de gens peuvent penser qu’il faut en premier lieu donner des emplois aux Américains, et ne pas obligatoirement leur préférer les réfugiés, n’est-ce-pas ?
T. Y. : Nous venons de suivre la dernière élection présidentielle, dont le sujet principal de Donald Trump était «les Etats-Unis d'abord», cela paraît la bonne chose à faire. Mais il y a autre chose à prendre en compte, c’est que le PDG de Starbucks a tenté de s’engager en politique, en essayant de briguer un poste à responsabilité au sein du Parti démocrate au cours de ces dernières années. Mais personne n’en a parlé. En réalité, il a même envisagé de se présenter contre Hillary Clinton lors de la primaire démocrate.
RT : Trump va à l'encontre des grandes sociétés qui ne sont pas d'accord avec ce qu'il essaie de faire. Pensez-vous que ce qui se passe avec Starbucks est symptomatique des difficultés auxquelles il fait face avec les grandes sociétés ?
T. Y : Il y a beaucoup de grandes entreprises qui soutiennent sa politique. C’est donc une sorte d'équilibre, mais ce que nous devons dire, c’est que c’est une stratégie politique qui peut vraiment se retourner contre elles – ou pas. Il semble que le pays est divisé à parts égales. Ce qui se passe maintenant c’est que Starbucks en retire une sacrée publicité. La preuve, c'est ce dont on parle en ce moment.
Ces boycotts ne marchent jamais, et le virtue-signalling n’a aucun effet non plus
RT : Quelle est la réaction générale à cette histoire aux Etats-Unis ?
T. Y. : C’est juste une nouvelle journée de manifestations, ce qu’on appelle le «virtue-signalling» [un mouvement social pour monter son attitude envers une personne ou exprimer la solidarité avec un événement – par exemple, Ice Bucket Challenge ou modification d’avatars par un groupe de personnes dans les réseaux sociaux]. Vous allez mettre un hashtag afin de signaler à vos amis que vous faites quelque chose, mais en réalité, tout le monde va passer prendre son café à Starbucks, ou tout autre café de proximité – n’importe où, il y en a partout. Ces boycotts ne marchent jamais, tout comme le virtue-signalling qui n’a aucun effet non plus.
RT : Qu'en est-il de cette mobilisation aux Etats-Unis ? Le mouvement est-il en train de s'essouffler ?
T. Y. : C’est absurde, il n'est pas trop tôt pour que ça s'arrête. On n’arrivera à rien par ces protestations, qui commencent à perdre en ampleur. Une grande partie a été financée par George Soros et par de grandes entreprises aux intérêts opposés à Donald Trump. Vous pouvez réunir une foule tant que vous payez pour cela, mais les gens finissent par retourner au travail, comme d’habitude – il est difficile de manifester tous les jours contre le président américain quand vous avez un emploi.
Il est facile d’enrôler quelques milliers de personnes d'universités ou d’autres organisations, pour donner l’impression qu’il y a un tollé général contre le président
RT : On a l’impression que personne n’aime Donald Trump, si vous suivez les médias, mais, en fait, une grande partie de la société appuie le nouveau président – c’est pourquoi il est au pouvoir...
T. Y. : Cela ne pose pas de problème de rassembler une large foule, d’attirer les communautés libérales dans des grandes villes comme Washington, New York, Los Angeles ou San Francisco, où les grands médias sont basés. Il est facile d’enrôler quelques milliers de personnes d'universités ou d’autres organisations, pour donner l’impression qu’il y a un tollé général contre le président.
Quand vous allez au centre du pays, où il n’y a pas de grands médias, vous découvrez que le mouvement n’est pas si populaire, et que c’est plus répandu dans les communautés plus larges. Là-bas ils soutiennent Donald Trump. C’est juste l'influence des médias.
RT : Peut-on s’attendre à une trêve entre les médias et le nouveau président ?
T. Y. : Je ne le crois pas. Je ne parierais pas là-desssus ! Mais ça donne matière à beaucoup de sujets pour la télévision. Surtout si on se met à la place d'un téléspectateur extérieur, comme la communauté internationale qui observe tout cela, c'est amusant de regarder ces échanges entre la Maison-Blanche et la communauté médiatique. Les médias ne vont pas reculer, ni l’administration Trump. C'est intéressant de regarder ça comme un spectacle politique comique, Ce cera intéressant à suivre, avec une certaine distance.
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