Diaboliser la Russie pour faire mal à Trump, le nouveau jeu de l'establishment américain ?

Washington mène une campagne de diabolisation contre la Russie, mais en réalité, ça concerne moins la Russie que Donald Trump, estime Joshua Landis, expert du Centre d'études moyen-orientales de l'Université d'Oklahoma.

Dans une interview sur NBC le 9 janvier, Ashton Carter, le ministre américain de la Défense, s’est exprimé sur un certain nombre de problèmes mondiaux, y compris sur le piratage présumé du Parti démocrate qu'aurait pratiqué la Russie et sur la lutte contre le terrorisme.

Ashton Carter a tenté de suggérer, malgré les preuves contraires, que la Russie n’avait pas contribué à la lutte contre l’Etat islamique en Syrie.

RT : Ashton Carter a accusé clairement la Russie de ne pas avoir apporté de contribution importante à la lutte contre le terrorisme. Qu'en pensez-vous ?

Joshua Landis (J. L.) : Bien sûr, il raconte des histoires. Ce sujet suscite des polémiques aux Etats-Unis. Les républicains comme les démocrates essaient tous deux de faire mal à Trump, par le biais de cette enquête du renseignement qui doit faire la lumière pour qu'on sache si la Russie a influencé les élections ou pas. En un sens, c’est une autre façon de nuire à Trump, en alimentant l'idée que les Russes ne font rien en Syrie. Trump a déclaré qu’il pourrait travailler avec les Russes. Mais, en fait, les Russes ont bombardé l’Etat islamique des centaines de fois – à Palmyre, à Al-Bab, à Deir ez-Zor et à Raqqa. Les Russes ont éliminé des longues files de camions citernes, etc. C’est de la salade un peu.   

RT : Cette campagne aérienne massive opérée par les Russes à Palmyre comme vous l’avez mentionné, était une opération assez importante. Et pourtant, ce n’est «pratiquement rien» pour les Etats-Unis. Pourquoi Ashton Carter a-t-il décrit cet événement de manière aussi extrême ?

J. L. : Précisément parce qu’une campagne de diabolisation de la Russie est en cours en moment. En réalité, cela concerne plutôt Trump, que la Russie. Je crois que les démocrates et beaucoup de républicains – comme [John] McCain – qui ont été blessés par Trump, le traitent sévèrement. Ils le critiquent parce qu’il a renié la communauté du renseignement, parce qu’il se rapproche de la Russie, et que c’est un moyen de l'en empêcher.

Les Etats-Unis sont intervenus dans les élections étrangères deux fois plus souvent que la Russie et l'Union soviétique

RT : Même dans la mesure où l'on ne tient pas compte de l’accord qui a été négocié par la Russie, la Turquie et l’Iran sur la Syrie, essayer d’empêcher la conclusion de la paix en Syrie, et d’aider, d’une certaine manière, à séparer ces éléments dévoyés au sein des groupes militants, cela semble un peu étrange, non ?

J. L. : Les journaux américains publient aujourd’hui des articles sur les recherches d’un très bon politologue qui a montré que les Etats-Unis avaient tenté d’intervenir dans 81 élections autour du monde depuis la Seconde Guerre mondiale… alors que la Russie et l’Union soviétique n'ont essayé de le faire, je pense, que 36 fois. Les Etats-Unis sont en fait intervenus dans des élections étrangères deux fois plus souvent que la Russie, et les Américains peuvent en être fiers.

RT : Au cours de la première conférence de presse du département d’Etat, John Kirby a déclaré que l’échec au Moyen-Orient était incroyablement frustrant. Estimez-vous que cela explique la réaction hostile de Washington face à Moscou ?

J. L. : Les Etats-Unis ont été très désorientés à l’égard de leur politique en Syrie. Nous venons d’entendre les longs discours de John Kerry, le secrétaire d’Etat, expliquant aux militants syriens que, avec l’intervention de la Russie en Syrie en 2015, les Etats-Unis espéraient que l’extension de l’Etat islamique et sa prolifération croissante vers Damas, pourrait pousser Assad à céder et le contraindre à signer un accord politique. Au lieu de cela, les Russes sont intervenus et ont sauvé Damas de l’effondrement dans son combat contre l’Etat islamique.

Nous avons observé une vraie diabolisation de la Russie au cours de ces dernières semaines

RT : Ashton Carter a aussi commenté l’ingérence présumée de la Russie dans les élections américaines. Il a indiqué que les démarches qui avaient été faites jusqu’ici, étaient probablement «le début, et non pas la fin», et que le Congrès devrait pendre des mesures. Est-ce qu’il parle d'éventuelles sanctions supplémentaires contre Moscou ?

J. L. : Une fois que l’entrée en fonction aura eu lieu, ce conflit particulier sera terminé. Il y en aura beaucoup d’autres, parce que les Etats-Unis sont extrêmement divisés aujourd’hui. Les démocrates sont enragés de la façon dont ils ont échoué à ces élections et ils sont furieux contre Trump, qu’ils détestaient profondément. Je dois admettre que Trump était très vicieux dans ses attaques contre Hillary Clinton, contre les démocrates et que cela a divisé les Etats-Unis.    

Il y a plein de controverses. Je pense que ce n'est que le début et que nous en verrons encore beaucoup avant que cela se termine. De l’autre côté, nous avons observé une vraie diabolisation de la Russie au cours de ces dernières semaines. C’est un peu inquiétant, parce que même les démocrates qui étaient d’habitude plus délicats envers la Russie, diffusent maintenant de la propagande antirusse.  

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