RT France : Plusieurs médias occidentaux parlent de la «chute d’Alep» et pas de «libération». D’après vous, de quoi s’agit-il en vérité ?
Jean-Bernard Pinatel (J.-B. P.) : Cela dépend de quel point de vue on se place, c’est une bataille entre les forces syriennes appuyées par la Russie d’un côté et les djihadistes d’al-Nosra de l’autre. Effectivement, pour ceux qui soutiennent l’islam radical il s'agit d'une chute. Pour ceux qui, au contraire, soutiennent la Syrie appuyée par la Russie, c’est une libération. Pour moi, c’est une bataille qui se termine et elle se termine par une défaite du Front al-Nosra. Car dans une ville complétement détruite on ne peut pas parler de libération. Aujourd’hui, Alep, c’est un champ de ruines. C’est une défaite pour l’islam radical, mais pour les civils, comme dans toute guerre, c’est la fin d’une tragédie, d’un calvaire. Mais ça n’est pas une libération. Je n’aime pas du tout ces batailles de sémantique. Je trouve cela indécent. Pleurer la chute d’Alep pour ceux qui voulaient chasser Assad ou pousser des cris de joie parce que al-Nosra est chassé d’Alep, me parait hors sujet et hors propos, même si je m’en réjouis profondément.
Jean-Marc Ayrault est quelqu’un qui dit n’importe quoi
RT France : Entre temps Palmyre est retombée entre les mains des djihadistes, et Jean-Marc Ayrault déclare que la Russie a laissé Daesh reprendre Palmyre. Etes-vous d’accord avec cela ?
J.-B. P. : Non, c’est ridicule. Jean-Marc Ayrault est quelqu’un qui dit n’importe quoi … Palmyre a une valeur symbolique, mais elle n’a pas de valeur stratégique. Il est beaucoup plus important pour le régime syrien et pour la Russie de terminer la reconquête d’Alep que de prélever des troupes pour secourir Palmyre. Les Américains ont dû voir avec leurs satellites les forces de Daech se masser autour de Palmyre et n’ont rien dit à la Russie ni à la Syrie. Pourquoi ne pas dire aussi que les Américains sont complices dans cette affaire-là ? Palmyre sera reprise lorsque les Syriens et les Russes le décideront, mais, pour eux, il était beaucoup plus important de terminer la libération d’Alep puis demain de poursuivre l’offensive vers Raqqa que de défendre Palmyre.
On aurait tort de considérer, comme le font souvent les médias occidentaux, que l’Etat islamique est déjà vaincu
RT France : Cette offensive de Daesh sur Palmyre est-elle liée à l’opération à Mossoul, en Irak ?
J.-B. P. : C’est une façon, peut-être un peu désespérée, d’amener le régime syrien à dégarnir ses forces d’Alep pour aller au secours de Palmyre. C’est plus une action de diversion mais cela n’a pas grand-chose à voir avec Mossoul, parce que Palmyre n’est pas sur la route de Mossoul. Pour aller de Raqqa à Mossoul on ne passe pas par Palmyre. Pour moi c’est beaucoup plus une action de diversion, qui montre néanmoins qu’on aurait tort de considérer, comme le font souvent les médias occidentaux, que l’Etat islamique est déjà vaincu et que l’on va se retrouver à Noël à Raqqa et à Mossoul, comme l’avait prédit le ministre français de la Défense.
Les combats à l’intérieur de la ville de Mossoul sont un cauchemar pour les soldats irakiens
RT France : Vous considérez donc que ce n’est pas possible ?
J.-B. P. : Non, ce n’est pas possible. A Mossoul, cela fait maintenant six semaines que les troupes [irakiennes] ont abordé les premiers faubourgs Est de Mossoul, et elles n’ont pas, ou très peu, avancé depuis. Les combats à l’intérieur de la ville de Mossoul sont un cauchemar pour les soldats irakiens qui font face sans répit à des attaques suicides surprises et à des tirs de snipers. La résistance de Daesh va durer. La seule bonne nouvelle que l’on a du côté de Mossoul est que les milices chiites irakiennes ont fait jonction avec les Peshmergas à Tall Afar, isolant Mossoul et coupant la liaison entre cette dernière et Raqqa. Je ne crois pas du tout qu’il y ait des fuites de djihadistes vers la Syrie en ce moment, parce qu’ils vont se battre à Mossoul et cela va durer.
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