Résolution européenne contre les médias russes : «En terme de valeurs, c'est indéfendable en soi»

Si la résolution du Parlement européen réclamant de mesures pour «contrer la propagande russe et de Daesh» tranche avec les principes de l'UE, pour Djordje Kuzmanovic, elle est aussi symptomatique d'une attitude de hausse de «tensions factices».

RT France : Cette résolution met sur un pied d'égalité la lutte contre la propagande russe via des médias et celle contre des groupes terroristes, tel que Daesh, cette comparaison a-t-elle un sens ?

Djordje Kuzmanovic (D. K.) : Bien évidemment que non, c'est parfaitement ridicule. Le Parlement européen, comme l'a très justement souligné Jean-Luc Mélenchon, s'enfonce dans une attitude qui tend à la tension avec la Russie là où il faudrait plutôt les calmer. On ne peut pas comparer une organisation terroriste comme Daesh qui frappe la France avec un pays légitime comme la Russie, la Chine ou les Etats-Unis. 

On peut ne pas être d'accord avec CNN ou Al Jazeera et pourtant ces chaînes sont diffusées en France et en Europe

RT France : Au-delà des tensions avec la Russie, la résolution indique que «les acteurs tiers» qui ne «partagent pas les mêmes valeurs, ne sont donc pas autorisés à discréditer l'Union» et la cohérence de sa politique étrangère : avec un tel texte l'UE ne revient-elle pas toute seule sur ses propres valeurs?

D. K. : Si tout à fait. Un des grands acquis de la Révolution française, c'est la liberté d'expression. Quand bien même on ne serait pas d'accord avec celui qui s'exprime, tant qu'il n'utilise pas la violence - c'est le cas pour la Russie mais ce ne l'est évidemment pas pour Daesh, ce droit doit exister. On peut ne pas être d'accord avec CNN ou Al Jazeera et pourtant ces chaînes sont diffusées en France et en Europe. Je pense que la position que certains défendent au niveau de l'UE n'est là que pour servir les intérêts de ceux qui souhaitent une augmentation des tensions avec la Russie. Sur les valeurs, cette résolution est indéfendable en soi.

L'OTAN a tendance à vouloir créer des tensions factices pour s'autojustifier

RT France : La résolution appelle les pays de l'UE de coopérer avec l'OTAN pour faire barrage à la propagande russe. L'opposition à des médias, nécessite-t-elle la coopération avec un bloc militaire ?

D. K. : On voit bien avec ce genre de volonté la politique d'extension de l'OTAN en Europe de l'Est. En particulier en Ukraine mais aussi avec le pré-positionnement de missiles en Pologne et en Roumanie. Ça s'inscrit dans une volonté générale de tensions avec la Russie dans le cadre d'une alliance avec l'UE. L'OTAN, qui a du mal à justifier son existence depuis la fin du pacte de Varsovie, a tendance à vouloir créer des tensions factices pour s'autojustifier. Et cela montre assez clairement l'inféodation de l'UE à l'alliance atlantique. Cette dernière par son principe de «smart defense» vise à empêcher l'Union européenne d'être concrètement indépendante en matière géopolitique et à limiter les positions qui pourraient lui nuire.


RT France : Le volet russe de cette résolution mis de côté, le Parlement demande une augmentation des financements de projets de «contrepropagande» portant «un message positif axé sur ses succès, ses valeurs et ses principes de l'UE». Est-ce un moyen efficace de lutter contre le terrorisme?

D. K. : C'est une proposition qui frise la tautologie. Il est toujours préférable de porter les valeurs de démocratie et de liberté contre les terroristes. C'est ce que font déjà les pays européens en général. Je ne crois pas qu'il y ait besoin de canaux spécifiques ou de ce genre de résolution pour que l'UE le fasse. 

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