RT France : L’élection de Donald Trump est-elle une surprise pour vous ?
Je ne l’avais pas prédit, ma boule de cristal n’est pas très efficace
Jean-Frédéric Poisson (J.-F. P) : Non, parce que j’aurais été incapable de prédire le résultat. Mais ces derniers jours, on voyait bien que l’écart se resserrait beaucoup. Il reste quand même l’échec formidable des démocrates après les deux mandats de Barack Obama qui ont laissé l’Amérique dans une forme de dépit. Il est très révélateur que Donald Trump ait gagné dans les Etats traditionnellement ouvriers qui votent plutôt démocrates que républicains. Il a gagné nettement, sans aucune espèce de contestation possible, ce qui veut dire que le dépit de la société américaine était certainement très prononcé, un certain nombre d’organismes, de sondages le déclaraient vainqueur pour la première fois ces jours-ci depuis assez longtemps. Je ne fais pas partie de ceux qui diront «je l’avais prédit», parce que je ne l’avais pas prédit, ma boule de cristal n’est pas très efficace.
C’est une merveilleuse opportunité de prendre acte du fait que sous le gouvernement Donald Trump les Américains renonceront à être les gendarmes du monde, à exporter leur modèle de la société un peu partout
RT France : Pour ce qui est des conséquences pour l’Europe et surtout pour la France, quelle sera à votre avis la dynamique des relations ?
J.-F. P : Je pensequ’un certain nombre de Français, comme d’habitude, ont été très arrogants en parlant du futur président américain. J’espère que cela n’enterrera pas la nécessaire discussion que nous devons avoir avec notre ami, les USA. Nous devons maintenir des liens d’amitié avec les Américains, parce que ce sont nos amis traditionnels. Malgré tout, cela semble inquiéter beaucoup de monde, on entend des choses du genre «c’est l’inconnu», «on ne sait pas ce qui va se passer». C’est une opportunité formidable pour la France et pour l’Europe de repenser sa propre souveraineté, diplomatie et sa manière de voir et de retrouver toutes les marges de manœuvre dont elle a besoin. Je plaide depuis longtemps pour un rééquilibrage des relations entre les Etats-Unis et la Russie. C’est une merveilleuse opportunité de prendre acte du fait que sous le gouvernement Donald Trump les Américains renonceront à être les gendarmes du monde, à exporter leur modèle de la société un peu partout, ce qui serait l’intention d’Hillary Clinton, si elle avait été élue. Il y a un formidable espace de liberté que nous pouvons conquérir. C’est plutôt une invitation à la responsabilité qu’un motif d’inquiétude. Le moment est venu de redistribuer un certain nombre de cadres diplomatiques au sein de l’Europe ou bien pour les Français eux-mêmes. Ce que je souhaite c’est des discussions renouées avec la Russie et d’autres partenaires, bien davantage possibles, que si nous avions vu une espèce de mammifère américain qui aurait continué de s’impregner sur le monde.
C’est un appel à nos propres capacités d’initiative, c’est une partie du redressement de la France.
Le dernier discours de Donald Trump très rassembleur et conscient de la tâche qui l’attendait
RT France : Pensez-vous que Donald Trump soit capable de changer radicalement le cap des Etats-Unis en matière de la politique internationale ?
J.-F. P : Je pense que non. Si j’ai bien compris ce qu’il disait et écrivait, il en a la volonté. Si les Américains l’ont élu, ils ont bien entendu que sa première volonté était de s’occuper des Américains. Cette thématique d’«Amérique d’abord» nécessite la concentration d’un certain nombre de moyens politiques, y compris sans doute budgétaire, concentrés sur les Etas-Unis et pas sur les interventions un peu partout et de manière parfois désordonnée. Sa volonté est donc de se désengager d’un certain nombre de projets ou d’interventions qui laissent du coup un espace disponible pour tous les autres partenaires. C’est une bonne nouvelle de voir que les Etats-Unis renoncent à vouloir faire la loi dans le monde entier, chacun peut en tirer profit. Je ne sais pas s’il va y arriver. Je connais assez la Constitution et la pratique politique américaine pour savoir que le président américain est certes l’homme le plus puissant du monde, mais qu’il ne fait pas ce qu’il veut pour autant. Maintenant il est en situation d’imprimer la politique qu’il souhaite, avec le Congrès qui est de la même couleur que lui. Je ne crois pas qu’il y ait chez les républicains en règle générale une volonté interventionniste contraire à ce que le président Trump a affiché pendant la campagne électorale. J’ai trouvé son dernier discours très rassembleur et conscient de la tâche qui l’attendait. J’y vois des signaux positifs.