Le budget 2017, «une farce», selon l'économiste Olivier Delamarche

Le nouveau projet de loi de finances pour 2017 ne tiendra pas, comme la plupart des budgets précédents, estime Olivier Delamarche, économiste, membre-fondateur des Econoclastes.

RT France : Plusieurs experts ont critiqué le projet de loi de finances du gouvernement pour l'année 2017. Pensez-vous que ce budget est un outil de campagne électorale ?

Olivier Delamarche (O. D.) : Bien sûr, la question n'est même pas de savoir si c’est ou non un budget de campagne. Cela fait des années que, tous les ans, ce budget ne tient pas. Les rentrées sont fausses dès le départ, et quant aux dépenses, ils n’ont jamais été capables de les réduire.

Depuis le début de quinquennat, c’est une farce

Quand vous êtes face à une réduction, vous pouvez vous dire que c’est une magouille comptable, mais pas autre chose. Vous n’aurez pas plus de réduction des dépenses cette fois-ci qu’il n' y en a eu les années précédentes. Vous n’aurez pas plus de budgets tenus que vous n’en avez eus les années précédentes. On ne va pas jouer à faire semblant de croire qu’ils vont faire plus. Depuis le début de ce quinquennat c’est une farce. Et avant, c’était aussi une farce. Et ça va l’être encore plus, parce qu’ils n’ont absolument pas [pris en compte] dans leurs prévisions le moindre ralentissement en France. On a vu ce que ça donnait sur les chiffres du chômage. On a vu ce que ça donnait sur les chiffres du PIB !

Ils sont évidemment incapables de prévoir la croissance qu’ils envisagent toujours trop forte

RT France : En ce qui concerne le ralentissement, s'agit-il d'une tendance mondiale ?

O. D. : Il est évident que vous avez un ralentissement. Vous avez un ralentissement mondial, donc vous aurez un ralentissement en Europe qui subira ou qui suivra tous les ralentissements aux Etats-Unis, en Chine, le ralentissement perpétuel au Japon et en Europe. Cela ralentira en France, parce que vous avez une économie qui tousse, les attentats n’ont pas aidé, ils ont enfoncé un petit peu le clou, et le potentiel de croissance est ridicule. Les impôts qui sont toujours plus importants, peut-être qu’ils vont les réduire, là, pour faire semblant de les réduire, pour des raisons électorales ? Ça ne changera rien. Ils sont évidemment incapables de prévoir la croissance qu’ils envisagent toujours trop forte.

1,5% de croissance cette année aux Etats-Unis et ce serait étonnant qu’on fasse mieux en France

RT France :Donc la croissance prévue de 1,5% par le projet du budget, ne vous paraît pas réaliste ?

O. D. : Vous ne les aurez pas. Vous avez 0,7% de croissance sur le premier trimestre. On est passé à -0,1 récemment. L’Insee a révisé à -0,1 au deuxième – ce n’est pas 1,5 ça ! Au troisième trimestre, avec les attentats on a vu un nouveau coup de frein sur la croissance. Il ne faut quand même pas imaginer qu’au quatrième semestre vous allez rattraper le coup. Le potentiel de croissance en France n’est pas de 1,5% ou 2%, il est péniblement entre 0% et 1%. Si vous avez un deuxième trimestre comme le précédent, vous êtes en récession. On est en ralentissement partout dans le monde. Même aux Etats-Unis on va être très loin de la croissance qu’on prévoyait et encore plus loin des 4% de croissance que certains chez Goldman Sachs ou autres prévoyaient au début de l’année. La croissance américaine cette année, elle va être au mieux de 1,5%. Alors avec 1,5% aux Etats-Unis, ce serait étonnant qu’on fasse mieux en France.

On se demande ce que monsieur Sapin fait au ministère de l’Economie et des Finances, parce qu’il est totalement incompétent

RT France :Et qu’en est-il du déficit des finances publiques ? Michel Sapin annonce que la France pourrait passer sous 3% du déficit...

O. D. : Oui, et moi je vais gagner au loto vendredi !

C’est pareil. Déjà on se demande ce que monsieur Sapin fait au ministère de l’Economie et des Finances, parce qu’il est totalement incompétent. C’est une blague ! On n’a jamais tenu les objectifs de déficit budgétaire. Chaque fois, on a une bonne raison. Mais on n’a jamais tenu nos objectifs de déficit budgétaire. De toute façon, qu’est-ce que vous disent les banques centrales ? Elles disent : «On ne peut plus faire quoi que ce soit, il faut que les politiques prennent le relais.» Et ça, on le dit dans tous les pays. Les politiques prennent le relais, ça veut dire quoi ? Cela veut dire que c’est aux politiques de faire du déficit budgétaire pour essayer de relancer la croissance. Aujourd’hui tous les pays sont ultra-endettés. Tous, sans exception. Ça veut dire que s’ils investissent – il faut bien qu’ils le fassent avec de la dette – ils vont creuser le déficit budgétaire. Forcément, je veux bien que les différents pays investissent pour essayer de relancer la croissance, mais il faut savoir ce qu’on veut. S’ils investissent, ils vont creuser le déficit budgétaire qui ne tiendra pas les 3%. Et au final, c’est nous qui serons dans la dette. La dette, c’est de l’impôt décalé, de l’impôt futur. On peut rire, mais je pense qu’on va rire jaune.

La réalité, c’est que le chômage continue d’augmenter en France

RT France :Est-ce que le nouveau budget prend compte le chiffre croissant du chômage ?

O. D. : Pourquoi voulez-vous qu'ils le prennent en compte s'ils nous disent que le chômage va baisser ? Je suppose qu'ils mettent dans leur budget le chômage qui baisse. On le voit tous les mois, il n’y a pas de surprise. Il faut regarder la courbe de chômage à l'envers pour la voir baisser. La courbe de chômage ne baisse jamais. Au mois de juillet, on a dit que ça avait baissé, mais si vous reprenez toutes les catégories – il n’a pas baissé. C’est de la communication, les élections. Ça ne baisse pas, quand vous prenez le chômage dans toutes les catégories, ce sont quand même des chômeurs. Si vous prenez toutes les catégories le chômage n’arrête pas d’augmenter. On peut tourner la courbe dans tous les sens, la regarder à l’envers, mais la réalité, c’est que le chômage continue d’augmenter en France.