La Grèce exige que l’Allemagne lui verse quelques 270 milliards d’euros de réparations pour les atrocités commises par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Athènes a déclaré qu'elle pourrait entamer une action en justice contre l'Allemagne pour obtenir cette compensation.
«La Grèce et son peuple n’oublieront pas les abattoirs et les crimes de guerre de l'armée nazie et exigent une reconnaissance réelle [de ces faits] de la part du gouvernement allemand. La Grèce fera tout le nécessaire, surtout au niveau diplomatique et, s’il le faut, sur le plan juridique», a déclaré le Premier ministre grec Alexis Tsipras plus tôt cette semaine, lors d'une visite à Kommeno commémorant les victimes du massacre de 1943 dans ce village du nord-ouest du pays, où les troupes nazies ont tué 317 civils.
RT a parlé à la théoricienne politique Marina Prentoulis, membre de SYRIZA et au docteur Eike Hamer, commentateur politique allemand, cherchant à savoir si la Grèce pouvait vraiment réclamer l'argent 70 ans après la fin de la guerre.
D’après Marina Prentoulis, bien qu’il s’agisse d’une bien longue période longue, on doit se rappeler que les «crimes contre l'humanité n’expirent jamais».
Le peuple grec aura toujours à vivre avec les souvenirs de l'occupation nazie
Les réparations : une responsabilité historique de l'Allemagne pour l'occupation nazie
«Le peuple grec aura toujours à vivre avec les souvenirs de l'occupation nazie. [Le 17 Août] est une date très sombre pour la Grèce : c’est l'anniversaire du [massacre de] Kokkinia, une localité à l’ouest d’Athènes, où, ce même jour il y a plusieurs années [en 1944], 20 000 personnes avaient étés rassemblées sur la place locale, 350 exécutés, et 800 autres prises en otages et [ensuite] torturées par l'armée nazie et la Gestapo», explique-t-elle.
Eike Hamer affirme, quant à lui, qu’il n’est pas question ici de parler d'équité, car «il n’y a quasiment pas d’autre pays qui a reçu autant d'argent de l'Allemagne que la Grèce». Il rappelle que, en 1960, Allemagne de l'Ouest a payé 115 millions de Deutsche Mark à la Grèce à titre de compensation des crimes de guerre nazis. Maintenant, le principal est de «vivre à nouveau ensemble dans la paix et dans le respect de l'autre», ajoute-t-il.
Depuis la compensation de 1960, la Grèce a bénéficié d'avantages d’une valeur de «quelques centaines de milliards» d'euros
Ce ne sera pas possible si un côté «revient [encore et encore] sur de vieilles histoires pour faire chanter l'autre et exiger de l'argent ou autre chose de sa part», explique Hamer. «Nous sommes des camarades au sein de l'UE, et il est fou de créer une rupture au sein de la population en exigeant des choses aussi folles».
Pour Prentoulis il est également cruciale de vivre en paix, mais elle insiste sur le fait que «c'est pour cette raison que [le gouvernement grec] a une responsabilité historique devant la population européenne de faire reconnaître à quel point la Grèce a été dévastée par l'occupation nazie».
En ce qui concerne le paiement de 1960, elle a dit : «ce n’était qu’une partie de l’argent qu'ils étaient censés donner à la Grèce.»
«Et aujourd’hui, il est temps de le reconnaître, en tant que camarade, et pour le bien de toute l'Europe, afin d'être en mesure de laisser cette histoire dans le passé et garder en mémoire les choses atroces qui ont eu lieu en Grèce [pour] que des évènements de ce type n’aient plus cours à l'avenir – pour la paix et la prospérité de l'Europe», déclare Prentoulis.
La Grèce reçoit l'un des pires traitements à travers la zone euro
Aucun autre pays du monde ne paie pour la Grèce autant que l'Allemagne
Pour Hamer, depuis la compensation de 1960, la Grèce a bénéficié d'avantages d’une valeur de «quelques centaines de milliards» d'euros. Il fait ici référence à des taux d'intérêt bas, à des aides européennes – «principalement allemandes» – et à d'autres paiements indirects, comme des avantages dont la Grèce a bénéficié grâce à «de nombreux contrats» avec l'Allemagne.
«Aucun autre pays du monde ne paie pour la Grèce autant que l'Allemagne par le biais de l'UE et d'autres choses», a-t-il dit.
«C’est drôle : vous pouvez payer pour la Grèce autant que vous le souhaitez et les élites divisent cet argent entre elles, l’emportent, vont à Londres ou en font autre chose. Maintenant, quand les gens sont abandonnés par leurs propres élites, ils exigent plus d'argent de l'Allemagne», explique Hamer, ajoutant que «ce n’est pas juste».
Mais Prentoulis n’en démord pas : pour elle, c’est la Grèce qui est traitée injustement.
Le peuple grec a totalement été mis à genoux, une fois de plus
«La Grèce reçoit l'un des pires traitements à travers la zone euro», insiste-t-elle, ajoutant qu’il faut différencier les questions économiques de celles du paiement des réparations de guerre.
«Mais si vous voulez parler de la situation en Grèce aujourd’hui, je dois vous rappeler une nouvelle fois le London Debt Agreement de 1953, quand un grand nombre de pays, dont la Grèce, ont convenu de réduire la dette de l'Etat allemand de moitié et d’accorder les remboursement à la prospérité de l'Etat allemand. Cela a été un acte de bonne volonté du peuple européen», déclare-t-elle.
La Grèce, cependant, est traitée différemment maintenant, selon Prentoulis.
«Le peuple grec a totalement été mis à genoux, une fois de plus. En raison de l'austérité, en raison des décisions prises par le gouvernement conservateur de l'UE, y compris celui de l'Allemagne. Et il continue de souffrir depuis la crise de 2008. Vous vous souvenez de ce qui est arrivé avec les négociations sur la Grèce, et toute l'Europe en a été témoin», dit-elle.