Bombarder le gouvernement de Bachar al-Assad : une idée «absolument folle»

Après l'attaque à la hache dans un train en Allemagne, la problématique de l'implication de réfugiés dans des attentats inspirés par Daesh refait surface. Des experts allemands analysent le problème.

Rainer Rothfuss, géopoliticien :

RT : Un drapeau de Daesh dessiné à la main a été retrouvé dans la chambre de l’assaillant. Ce serait la deuxième attaque inspirée par Daesh en une semaine, après l'attentat à Nice. Doit-on s’attendre à de nouveaux actes de violence ?

Rainer Rothfuss (R. R.) : Oui, certainement. Et je pense que cela montre aussi qu’il n’est pas nécessaire que le combattant fasse partie de la structure de Daesh en elle-même. Il suffit que des gens se radicalisent et répondent simplement aux appels de Daesh, lancés via internet ou d’autres médias, pour passer à l’offensive en entreprenant des attaques en loups solitaires.

Ce qui a été utilisé par le gouvernement allemand et d’autres alliés de l’OTAN pour lutter contre le gouvernement Assad, retombe sur l’Europe

RT : Que vous inspire la perception négative des immigrés par une partie de la société allemande. Etait-ce prévisible ou cela vous surprend-il ?

R. R. : C’était certainement prévisible. Cela a été prédit par les services secrets allemands et montre seulement que les politiciens n’ont pas vraiment maîtrisé la crise des réfugiés. Nous pouvons seulement constater que ce qui a été utilisé par le gouvernement allemand, le gouvernement américain et d’autres alliés de l’OTAN pour lutter contre le gouvernement Assad, retombe sur l’Europe et met désormais notre société en danger.

RT : La chancelière Angela Merkel a beaucoup parlé du «devoir moral» d’accueillir les réfugiés. Récemment, elle a déclaré que des terroristes nés en Europe et entraînés en Syrie avaient profité du flux des migrants. A quelle manœuvre de la chancelière allemande vous attendez-vous maintenant ?

R. R. : Je m’attends à ce que les dirigeants politiques suivent ce que leur disent les sondages. Mais, bien évidemment, cela n’est pas un moyen stratégique de gouverner un pays. C’est simplement une réaction lorsqu’il est déjà trop tard pour agir.

Les bombardements n’aident pas dans la lutte contre le terrorisme

Peter Schulze, professeur en sciences politiques à l'université de Göttingen :

RT : Le ministre de l’intérieur de Bavière a dit qu’un drapeau de Daesh dessiné à la main avait été trouvé dans la chambre du réfugié afghan armé d’une hanche. Qu’en pensez-vous ?

Peter Schulze (P. S.): Cette information est sûrement vraie. Ce qui me fait peur, c’est que nous avons à présent une sorte de vague des réfugiés, des mineurs qui arrivent depuis l’année dernière. Vous savez quels soldats horribles les enfants peuvent être d’après l’expérience des conflits ethniques et religieux en Afrique et dans d’autres régions.

RT : Est-il possible qu'un terroriste dessine l’emblème de Daesh pour faire la une des journaux qui s'empresseront d'écrire : «Un autre terroriste de Daesh retrouvé ?»

P. S. : On peut le supposer, mais je ne pense pas qu’il n’y ait pas eu de préparation. Je suis persuadé qu’il y avait eu et éducation et lavage du cerveau de mineurs en Afghanistan. C’est important et il y a quelque chose que je n’arrive pas à comprendre, parce qu’il était sous tutelle d’une famille en Bavière. Pourquoi n’ont-ils rien remarqué d’étrange dans son comportement ?

Il faudra reconstruire et stabiliser les régimes politiques dans ces pays-là, parce que nous avons affaire à des Etats en faillite

RT : Croyez-vous que les autorités, à Bruxelles, fassent leur possible pour atténuer les préoccupations et les peurs ?

P. S. : Non, pas vraiment. La réaction des gens montre précisément qu’ils ne font pas ce qu’il faut, qu’ils ne comprennent pas ce qu'est la réalité. Du coup on assiste à la montée des forces nationalistes et xénophobes partout en Europe. Ce n’est plus uniquement typique de la France, de la Belgique, de l’Autriche ou de la Hongrie. Ce qui se passe fait certainement peur, parce que cela détruit la stabilité et le consensus de notre système politique qui a fonctionné de cette manière ces 15 dernières années.

RT : Croyez-vous que les bombardements contre le régime de Bachar al-Assad pourraient arrêter l’afflux des migrants en Europe, comme le préconise le département d’Etat américain ?

P. S. : Non, c’est une idée absolument folle. Les bombardements n’aident pas dans la lutte contre le terrorisme, on le constate avec la situation en Irak, en Syrie et peut-être au Liban. Ce n’est pas le combat des armes militaires. Elles peuvent nous permettre de gagner du temps, mais il faudra ensuite d’autres mesures, il faudra reconstruire et stabiliser les régimes politiques dans ces pays-là, parce que nous avons affaire à des Etats en faillite. C’est ce qui incite leurs habitants à quitter leurs pays et chercher une vie meilleure en Europe. Ce ne sont pas les répressions individuelles politiques contre les minorités, c’est la misère de leur vie de tous les jours.

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