Afin d'écrire son livre La France djihadiste (Ed. Ring) le journaliste d'investigation Alexandre Mendel s'est rendu dans les «no-go zones» de la France pour voir de ses propres yeux ces «Molenbeek» français où les lois de la République ne fonctionnent plus et où des imams prêchent ouvertement le djihad.
RT France : Dans votre livre vous affirmez que des terroristes à 15 minutes de chacun de nous et sont en train de préparer un attentat. Une journaliste vous a reproché de créer de la paranoïa. Est-ce que cette reproche est justifiée ?
Alexandre Mendel (A. M.) : Je conteste le mot paranoïa. D’ailleurs je lui ai répondu que je préfère le mot peur car la peur est quelque chose de rationnel qui crée de l’adrénaline et qui permet de nous défendre. Je veux bien admettre que mon livre évidemment crée de la peur. Il est évident que quand vous avez sur le territoire de la France - et le chiffre est plutôt une estimation basse – 15 000 personnes susceptibles de passer à l’acte, d’une manière ou d’une autre, c’est-à-dire en préparant des attentats terroristes ou en aidant à la préparation de futurs attentats, qu’il y a de quoi avoir peur. Il y a de quoi avoir peur dans les grandes agglomérations où l’on sait il y a des bases, ce qu’appellent les Américains et qui existent réellement, les «no-go zones», où la police et les services de sécurité et de secours ne vont plus. Je pense qu’il y a de quoi avoir peur, mais je ne dis pas aux gens de rester chez eux et de rester enfermés.
Ce n’est pas parce que, heureusement, nous n’avons pas d’attentat tous les jours, que nous ne sommes pas en guerre
Je ne dis pas qu’il faut être paranoïaque et penser que chacun de ses voisins musulmans est un terroriste potentiel, mais il faut arrêter de se mentir, il faut arrêter de penser que nous ne sommes pas en guerre. Ce n’est pas parce que, heureusement, nous n’avons pas d’attentat tous les jours, que nous ne sommes pas en guerre. Mais quand nous avons un attentat d’une intensité qui est très forte en termes de morts et symboliquement tous les deux mois, c’est bien qu’il y a une guerre, c’est bien qu’il a un problème et c’est bien que nous ne savons pas mener cette guerre, sinon il n’y aurait pas les attentats.
Aucun Français l’année prochaine qui ira voter en 2017 pour la présidentielle ne croit à la réalité du vivre ensemble
RT France : Pensez-vous que la situation va s'aggraver ?
A. M. : L’intensité des attentats – qui de mon point de vue et de celui des renseignements va augmenter – fait que beaucoup de Français pensent qu’ils seront épargnés. Mais les renseignements pensent que la prochaine étape est de viser le cœur de la France, la province reculée, les écoles, les villages. A ce moment-là on a les racines d’une guerre civile. Là il faudra nous expliquer où est le vivre ensemble et s’il a réellement existé. Avant il y avait un vivre ensemble : mes arrières grands-parents russes mangeaient à la française, s’habillaient à la française. Ca c’était le vivre ensemble, cela s’appelait la République. Mais nous avons changé de mot depuis que l’on a installé en France un système communautariste anglo-saxon pour appeler ça le «vivre ensemble». Nous savons très bien que cela ne marche pas, mais nous continuons et persistons à l’utiliser comme un slogan. Aucun Français l’année prochaine qui ira voter en 2017 pour la présidentielle ne croit à la réalité du vivre ensemble, aucun.
Le vivre ensemble existe dans la tête de journalistes de gauche souvent riches et qui vivent dans des beaux quartiers à Paris
RT France : On vous appelle dans la presse le pourfendeur du journalisme du vivre ensemble. Vous considérez-vous comme tel ?
A. M. : Oui, je pourfends le vivre ensemble parce que le vivre ensemble n’existe pas. Il existe dans la tête de journalistes de gauche souvent riches et qui vivent dans des beaux quartiers à Paris et pour qui le vivre ensemble c’est pour les autres, pour ceux qui n’ont pas les moyens de vivre ailleurs que dans des banlieues, dans des «no-go zones». Il suffit d’aller se promener dans ces banlieues où plus personne ne va pour s’apercevoir qu’il n’y a pas de vivre ensemble. Ce n’est pas parce que de temps en temps une mosquée ouvre ses portes à d’autres religions et qu’il y a un goûter avec des pâtisseries orientales et ensuite des chants religieux que le vivre ensemble existe.
Le multiculturalisme de ces banlieues consiste à avoir abandonné la loi de la République au profit d’une espèce de «para-charia»
Le vivre ensemble n’est qu’un slogan de la gauche française pour faire admettre aux gens les plus pauvres qu’ils ont de la chance de vivre dans un multiculturalisme qui par ailleurs n’existe pas non plus. Le multiculturalisme de ces banlieues consiste à avoir abandonné la loi de la République au profit de la charia ou d’une espèce de «para-charia», au profit d’une loi islamique qui a tendance à s’appliquer de plus en plus sur les territoires abandonnés par la République. Personne ne croit à ce slogan. C’est très cynique.
Si vous expliquez à une communauté qu’elle peut garder toutes ses traditions, qu’elle peut en plus se fondre dans la République, vous créez alors deux camps qui finalement s’opposent
Je pourfends surtout le cynisme de ceux qui prétendent que cela existe parce que ceux-là ne le vivent pas. Pour moi le vivre ensemble n’existe pas. C’est la faute de la France. C’était un pays républicain. Aujourd’hui, notre époque dit «gardez vos coutumes». Nous avons accepté l’idée que le «melting pot» américain et anglo-saxon puisse marcher en France. Cela ne marche pas. Si vous expliquez à une communauté qu’elle peut garder toutes ses traditions, qu’elle peut en plus se fondre dans la République, vous créez alors deux camps qui finalement s’opposent.
On a une espèce de maladie en France qui est l’antiracisme
RT France : Vous parlez dans votre livre des mosquées où l’on vante ouvertement le djihad. Pourquoi les autorités ne ferment-elles pas ces mosquées ?
A. M. : Parce qu’en France nous sommes très attachés à la culture de l’excuse et à la culture absolue des droits de l’Homme. Dans certaines mosquées qui ont été fermées et qui sont ré-ouvertes maintenant, on est allé voir les imams radicaux et on leur a demandé de signer des chartes républicaines les obligeant à ne plus parler du djihad, à justement promouvoir le vivre ensemble et évidemment ces imams ont signé la charte républicaine. C’était mieux que d’aller en prison ou de voir sa mosquée fermer. Mais tout cela est complètement cosmétique. On sait aujourd’hui qu’il y a des mosquées où systématiquement le vendredi, journée de grande prière, il ya des appels à la haine contre l’Occident et contre la France en général.
Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale on utilise le mot guerre
On ne fait rien contre aussi parce qu’on a une espèce de maladie en France qui est l’antiracisme. On ne veut pas stigmatiser une communauté donc plutôt que de stigmatiser une communauté on explique «regardez il n’y a pas de problème» jusqu’au prochain problème. Jusqu’au prochain attentat, qui sera d’une intensité au moins égale à ceux du 13 novembre, on continuera à fermer des mosquées et on finira trois semaines après – parce que la France oublie vite – à les ré-ouvrir avec de nouveaux imams mais toujours avec les mêmes fidèles. Comme journaliste, on vit une époque incroyable en France. On a un président et un Premier ministre qui parlent ouvertement de guerre qui est un mot très rare dans notre culture. Même la guerre d’Algérie on n’appelait pas cela la guerre d’Algérie, on appelait cela «les événements d’Algérie». Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale on utilise le mot guerre. Pourtant rien en France ne rappelle que l’on mène la guerre à ces gens qui eux en ce moment-même nous préparent la guerre. Rien n’est fait contre ça. La hiérarchie du renseignement français fait des discours qui sont plein d’optimisme. Les agents du renseignement eux sont extrêmement pessimistes, c’est à peine s’ils ne sont dépressifs. Ces agents connaissent la réalité.
Nous sommes un pays en guerre qui ne se rend pas compte qu’il est en guerre
RT France : Que vous ont-ils dit ?
A.M. : Ils disent que la guerre va durer très longtemps et surtout que l’on a pris énormément de retard, justement parce que l’on n’a pas fait attention à l’immigration massive, que l’on n’a pas su intégrer les deuxième et troisième générations, qu’on les a laissés se communautariser, que la haine est si forte et si profonde que cela va durer longtemps et que l’on n’est pas préparé et que l’on n’a pas assez de forces de sécurité sur notre territoire. Nous sommes 67 millions de Français et comptant toutes les forces sur notre sol, les militaires, les gendarmes, la police, les pompiers et les agents de sécurité, ils ne sont que 500 000 pour assurer la sécurité de 67 millions de personnes. Cela ne fait pas beaucoup contre 15 000 personnes qui eux ne craignent pas la mort et qui savent qu’ils finiront par passer à l’action.
Ce que l’on vit en ce moment est ce que j’appelle la drôle de guerre, exactement comme on appelait le début de la Seconde Guerre mondiale 1939-1940, où personne n’imaginait que l’on était en guerre parce que la guerre était loin en Norvège. Il a fallu que l’on perde cette guerre pour s’apercevoir qu’on était vraiment en guerre. Nous sommes un pays en guerre qui ne se rend pas compte qu’il est en guerre. Aller bombarder la Syrie, c’est très bien, et on ne l’a pas assez fait, il a fallu attendre les Russes pour le faire.
Il y a dix ans quand Vladimir Poutine disait qu’il fallait traquer les terroristes jusque dans les chiottes, cela choquait les Français. Désormais cette phrase-là est employée par des Français de gauche comme de droite comme l’exemple de ce qu’il faut faire
L’attitude que la France a à l’égard de la Russie a extrêmement changé, le Français moyen était plutôt atlantiste et pro-américain depuis Barack Obama. Il est devenu depuis les attentats de Charlie Hebdo quelqu’un qui a un regard plutôt positif ou compréhensif à l’égard de la politique dite dure que mène Vladimir Poutine. C’est-à-dire qu’il y a dix ans quand Vladimir Poutine disait qu’il fallait traquer les terroristes jusque dans les chiottes, cela choquait les Français. Désormais cette phrase-là est employée par des Français de gauche comme de droite comme l’exemple de ce qu’il faut faire.
Le vrai problème n’est pas à Raqqa, il n’est pas à Alep, il est en France
RT France : Faut-il alors aller jusqu'en Syrie pour combattre le terrorisme ?
A.M. : Le vrai problème n’est pas à Raqqa, il n’est pas à Alep, il est en France, au cœur de nos cités. Dans quelques mois, six mois, un an, pas plus, cela nous fera très bizarre de voir l’armée aller dans les tours des banlieues françaises pour aller chercher des terroristes. Là on aura vraiment le sentiment d’être en guerre. Aujourd’hui c’est ridicule, on envoie 18 avions français pour bombarder Raqqa pour se venger d’attentats. Mais il faut remettre la sécurité au cœur de la France et aller dans les zones où on ne va plus pour chasser les terroristes.
En 2005, il a suffit seulement de 50 personnes pour mettre le pays à genoux avec des voitures qui brûlaient de partout
Nous sommes un pays en guerre mais nous n’avons pas de loi de guerre, nous n’avons pas de prisonniers de guerre et nous n’avons de soldats dans les rues. Si aujourd’hui la DGSI se dit pessimiste, vous pouvez croire que c’est dix fois pire que ce qu’ils racontent. En privé les agents du renseignement disent qu’ils sont débordés, qu’ils ne sont pas assez, que vous ne pouvez pas surveiller les 15 000 personnes. Vous avez 150 personnes revenues de Syrie et d’Irak, en France, à l’heure actuelle dont on a perdu la trace. Quand vous comparez avec les émeutes dans les banlieues en 2005, il a suffit seulement de 50 personnes pour mettre le pays à genoux avec des voitures qui brûlaient de partout. Imaginez, demain le même genre d’émeutes mais avec une islamisation des émeutes, ça va être une catastrophe. Quand cela va finir par vraiment exploser un peu partout en France, cela va nous faire très bizarre. Là, les gens vont se dire qu’ils ont besoin d’un dirigeant dur, qui arrête de nous parler du vivre ensemble, qui arrête de prêcher les valeurs de la République qui n’existent pas dans la tête de ces gens-là.
Aujourd’hui la haine de l’Occident est très répandue en Europe
RT France :Le patron de la DGSI dit que la France est en grand danger. Partagez-vous cet avis ?
A.M. : Oui. Aujourd’hui la haine de l’Occident est très répandue en Europe. Angela Merkel ces derniers mois a accepté des milliers et des milliers de réfugiés syriens sur son sol et pourtant il n’est pas sûr que cela la préserve. Même les pays qui ne sont pas impliqués dans la guerre sont ciblés par les fanatiques de Daesh. L’Europe a un autre problème que vous connaissez bien. Il est extrêmement difficile pour quelqu’un de Kaliningrad de traverser la frontière mais extrêmement facile pour un terroriste français d’aller de la France en Italie vers la Grèce, vers la Turquie et de revenir. Il est fou de voir qu’il est plus difficile pour un Russe de venir en France que pour un Français d’origine immigrée classé par les services du renseignement de se promener en Europe. C’était le cas d’Abaoud.
L’Europe est en danger parce qu’on s’est mêlé de choses qui ne nous regardaient pas
L’Europe est en danger du fait de l’ouverture de ses frontières et de son aveuglement. C’est-à-dire que l’idéologie est plus forte que la rationalité qui consisterait à fermer nos frontières puisqu’on est en guerre. Mais cela continue tous les jours. Sachant que la France reste leur cible prioritaire pour tout un tas de raisons dont notre implication en Syrie. On a d’abord dit qu’on voulait renverser Assad, on ne l’a pas fait et les membres de Daesh nous en veulent, pour ensuite aller taper contre nos anciens alliés. L’Etat islamique, Al-Nosra etc. on essaye de renverser des gens qui, il y a trois ans, avaient le même objectif – renverser Bashar al-Assad. Des gens que l’on a armés et aidés viennent nous détester maintenant. L’Europe est en danger parce qu’on s’est mêlé de choses qui ne nous regardaient pas. Le Levant, cela fait 70 ans que la France a quitté ces endroits-là. Il serait peut-être temps qu’on arrête de penser comme les Américains qu’on peut installer la démocratie partout. Peut-être que Bashar al-Assad n’est pas très sympathique mais au moins il tenait le pays. Au moins on savait à qui on avait à faire et aucun Syrien ne venait traverser la frontière pour se faire exploser en France.