Brexit ?

Peu de temps avant le référendum du 23 juin, les arguments des eurosceptiques britanniques semblent beaucoup mieux développés que ceux des partisans du maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne, estime l'économiste Jacques Sapir.

Trois faits marquants sont venus ces dernières heures soutenir les espérances des eurosceptiques britanniques alors que l’on se rapproche du référendum qui doit se tenir le 23 juin. Tout d’abord, un nouveau sondage (YouGov) donne une avance substantielle au vote se sortir de l’Union Européenne. Le point important ici étant moins le résultat absolu que l’accroissement de la marge de ce résultat. Bien entendu, le nombre de personnes ne s’étant pas encore décidées est important, et ce sondage doit être compris comme une tendance, rien de plus.

 Le référendum sera aussi un vote du peuple contre les élites financiarisées, de la campagne contre la grande métropole.

On peut penser que, dans l’isoloir, les électeurs indécis vont se prononcer en majorité pour le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne. Mais, l’avance de la position de sortie est en train d’augmenter. De ce point de vue, il est possible que les opinions qui donnent – pour l’instant – le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union gagnante soient contaminées par le fit que cette position est visiblement majoritaire sur Londres. Le référendum sera aussi un vote du peuple contre les élites financiarisées, de la campagne contre la grande métropole.

Le deuxième fait marquant est la très nette et très claire prise de position du quotidien populaire The Sun en faveur d’un vote de sortie. Bien entendu, les positions de ce quotidien étaient prévisibles. Ce que l’on appelle en Grande-Bretagne la « presse de caniveau » est connue pour ses positions facilement outrancières. Mais, il faut aussi savoir que derrière le journal il y a tout l’empire de presse de Murdoch. L’engagement du Sun vaut en réalité un engagement de ce groupe de presse.

Le troisième fait est l’article d’Ambrose Evans-Pritchard appelant à quitter l’Union européenne publié dans The Telegraph. On connaît les positions critiques de cet auteur. Mais les arguments qu’il avance pèsent et pourraient convaincre une fraction de l’opinion publique. Ambrose Evans-Pritchard identifie bien le problème principal du Brexit comme étant celui de la démocratie. Il écrit ainsi :

« Nous devons décider si nous voulons être gouvernés par une Commission aux pouvoirs quasi-exécutif qui fonctionne plus comme le clergé de la papauté du XIIIème siècle que comme une fonction publique moderne; et si nous voulons nous soumettre à une Cour européenne de justice (CEJ) qui revendique la suprématie juridique la plus complète, sans droit d’appel.

La question est de savoir si vous pensez que les Etats-nations de l’Europe sont les seules instances authentiques de la démocratie, que ce soit dans ce pays, en Suède, aux Pays-Bas ou en France ». On retrouve aussi des formules qui sont proches de celles que j’ai employées dans mon dernier ouvrages : « … l’UE telle qu’elle est construite est non seulement corrosive mais finalement dangereuse, et (…) dans la phase que nous avons maintenant atteinte l’autorité gouvernementale se désagrège à travers l’Europe. Le projet provoque une hémorragies des institutions nationales, mais ne parvient pas à les remplacer par quoi que ce soit de légitime au niveau européen ».

Il est intéressant de voir que son opinion rejoint celle du Président de la cour suprème du Royaume, Lord Sumption : « Elles (les institutions) se sont peu à peu vidées de ce qui les rendaient démocratique, par un processus graduel de désintégration interne et d’indifférence, jusqu’à ce que l’on remarque tout à coup qu’elles sont devenus quelque chose de différent, comme les constitutions républicaines d’Athènes ou de Rome, ou les cités italiennes de la Renaissance ».

Aujourd’hui, la peur de l’inconnu est le dernier, voir le seul argument, qui reste aux partisans de l’Union européenne

Ces trois faits pourraient correspondre à un moment de basculement dans la campagne du référendum britannique. Le camp adverse se caractérise, pour l’heure, par des propos outrancièrement alarmistes, prédisant une « catastrophe » économique pour le Royaume-Uni en cas de succès de l’option de sortie. Ceci n’a pas de crédibilité. Les pays qui ne sont pas membres de l’Union européenne commercent librement avec cette dernière du fait des règles de l’OMC, qui s’appliqueraient instantanément aux relations commerciales entre la Grande-Bretagne et l’UE.

Ce qui est manifeste est que les partisans du maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne ont été incapables de développer des arguments « positifs » en soutien à leur position. C’est sans doute le point le plus intéressant. Aujourd’hui, la peur de l’inconnu est le dernier, voir le seul argument, qui reste aux partisans de l’Union européenne. Cela en dit long sur la décrépitude du projet européen.

Source: russeurope.hypotheses.org

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