D’après les dernières divulgations de Wikileaks, le président du Brésil par intérim Michel Temer aurait travaillé pour les services secrets américains en qualité d’informateur. En outre, les derniers sondages montrent que seuls 2% de ses concitoyens le soutiennent et voteraient pour lui s’il se présentait aux élections présidentielles.
RT: Quelles pourraient être les conséquences de ces divulgations pour le président par intérim Michel Temer ?
Mark Weisbrot (M.W.) : C’est difficile à dire. C’est un nouveau gouvernement qui va être ou veut être très proche des Etats-Unis. Ils veulent nommer Jose Serra, qui a perdu les élections présidentielles en 2010, au poste de Ministre des Affaires étrangères. Il avait un programme électoral très proche de la politique étrangère des Etats-Unis. Il a critiqué tous les pays voisins du Brésil, accusé la Bolivie de favoriser le trafic de drogues ; s’en est pris au Vénézuéla. Il a critiqué le gouvernement précédent, [celui de Luiz Inacio Lula da Silva] pour avoir tenté d’organiser l’échange d’uranium faiblement enrichi contre des barres de combustible nucléaire entre la Turquie et l’Iran en 2010. Il était très en phase avec la politique américaine. C’est le genre de politique étrangère qu’ils veulent promouvoir.
[Le Président par intérim] ne commence pas avec beaucoup de légitimité. 2% de la population seraient prêts à voter pour lui s’il se présentait aux élections présidentielles
RT: Pensez-vous que ces divulgations puissent compromettre la légitimité de Michel Temer?
M.W. : Il ne commence pas avec beaucoup de légitimité. 2% de la population seraient prêts à voter pour lui s’il se présentait aux élections présidentielles. Il fait l’objet d’une enquête, tout comme la plupart des membres du Congrès qui essayent de se débarrasser de la Présidente. Les gens ne l’apprécient pas et considèrent que la destitution de la Présidente est anticonstitutionnelle.
Aloysio Nunes, l’homme à l’origine de la destitution au Sénat [...] a rencontré Thomas Shannon, un haut fonctionnaire du Département d’Etat impliqué dans d’autres coups d’Etat dans la région
RT: Les Etats-Unis vont-ils réagir à la destitution de la présidente? Vont-ils soutenir leur ancien informateur et son gouvernement?
M.W. : Les Etats-Unis les soutiennent mais pas ouvertement. Par exemple, il y a quelques semaines, Aloysio Nunes, l’homme à l’origine de la destitution au Sénat, s’est rendu aux Etats-Unis et a y rencontré Thomas Shannon, un haut fonctionnaire du Département d’Etat impliqué dans d’autres coups d’Etat dans la région, dont celui au Honduras en 2009. Il est également impliqué dans les suites du coup d’Etat au Paraguay en 2012, qui ressemble en tous points à celui contre la présidente [du Brésil] et s’est produit en moins de 48h.
[Le] coup d’Etat au Paraguay en 2012 [...] ressemble en tous points à celui contre la présidente
Thomas Shannon va conseiller le gouvernement. Ancien ambassadeur des Etats-Unis au Brésil, il est également le numéro trois du Département d’Etat. C’est lui qui va décider. Il n’avait aucune obligation de rencontrer Aloysio Nunes mais il l’a fait. Accepter de le rencontrer en pleine destitution de Dilma [Rousseff] est une façon de montrer à tous ceux qui suivent l’affaire que les Etats-Unis soutiennent ce coup d’Etat. Ils ne feront ou ne montreront rien de plus car ils veulent faire croire qu’ils sont neutres.
Cela ressemble beaucoup à ce qu’ils ont fait en Honduras en 2009, au tout début du coup militaire
Mais cela ressemble beaucoup à ce qu’ils ont fait en Honduras en 2009, au tout début du coup militaire. La Maison Blanche a immédiatement fait une déclaration qui, contrairement à tous les autres pays, ne condamnait pas du tout le coup. C’était leur façon de dire à tout le monde qu’ils le soutenaient, parce que, au 21ème siècle, ils ne peuvent pas dire qu’ils soutiennent un coup d’Etat militaire. Je pense que dans ce coup, ils veulent garder une apparence de neutralité. Cependant, tous ceux impliqués dans le coup, y compris les médias - qui jouent, bien sûr, un rôle important - savent que les Etats-Unis sont de leur côté et qu’ils vont essayer de mettre en place un gouvernement qui servira d’avantage leurs intérêts, comme ceux [qui étaient au pouvoir] avant le Parti des Travailleurs.
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