Procès ou primaires : le gauche est obligée de se soumettre à ses statuts

Statutairement, des primaires doivent désigner le candidat socialiste à la présidentielle. Comme rien n’a été fait dans ce sens, trois adhérents ont porté plainte contre ce manquement et RT France s’est entretenu avec leur avocat, Emmanuel Pierrat.

RT France : Quelles sont les perspectives de ce procès ?

Emmanuel Pierrat (E.P.) : Aujourd’hui, on n’est pas encore au procès. Il y a eu une première étape dans laquelle les trois militants, les trois adhérents du Parti socialiste [PS] ont écrit à Jean-Christophe Cambadélis il y a un mois pour lui dire : «Nous sommes adhérents, selon les statuts il doit y avoir une primaire de la gauche, nous voulons la primaire.» Il n’y a pas eu de réponse à cette lettre recommandée envoyée directement par les trois adhérents. Ces trois adhérents nous ont demandé à moi et à d’autres confrères, dont William Bourdon, de les représenter.

Hier [le 20 avril], nous avons écrit à Jean-Christophe Cambadélis sur du papier à entête d’avocat pour lui rappeler qu’il n’avait pas répondu au courrier. Par conséquent, en application des statuts du Parti socialiste, ainsi de ce qui a été confirmé par le Conseil national du Parti socialiste du 9 avril dernier, il était tenu d’engager l’organisation d’une primaire avec les autres partis.

Dans 15 jours, le 6 mai 2016, tout doit être prêt et la primaire doit commencer

Théoriquement, le Parti socialiste doit inviter les autres partis qui veulent y participer à organiser la primaire. Donc en théorie, il doit écrire aux Ecologistes, au Parti de gauche, au Parti communiste, éventuellement à Lutte Ouvrière… Enfin à tous les partis de gauche, petits ou gros. C’est ce qui est prévu dans les statuts, et les statuts prévoient que l’organisation de la primaire doit être mise en place un an avant les élections. L’élection du président de la République est prévue à peu près pour le 6 mai 2017. Donc, dans 15 jours, le 6 mai 2016, tout doit être prêt et la primaire doit commencer.

Nous avons donc écrit à Jean-Christophe Cambadélis pour lui rappeler qu’il lui restait à peine quelques jours pour nous répondre même si nous savons par ailleurs qu’il y aura un conseil national du Parti socialiste – une réunion de tous les cadres dirigeants – le 23 avril, c’est-à-dire dans deux jours, et qu’il s’agit de la dernière réunion avant l’expiration du délai d’un an avant l’élection présidentielle, le 6 mai. Toujours en théorie, c’est lors de cette réunion-là qu’ils devront dire : «Oui, nous organisons réellement les primaires» et inviter officiellement les autres partis désireux d’y participer. S’ils ne le font pas le 23, nous avons la possibilité de saisir la justice et de demander à ce que la justice les contraigne à organiser cette primaire.

Le PS aura la nécessité d’obéir

Depuis hier soir [21 avril], le Parti socialiste a jusqu’au 23 avril pour nous répondre, ou dire au Conseil national qu’ils vont organiser la primaire. Je suis donc obligé pour l’instant d’attendre l’expiration du délai du 23 avril mais tout devra être mis en place le 6 mai au plus tard.

RT France : Dans le cas où le procès a lieu, et que vous le gagnez, le Parti socialiste sera-t-il tenu par cette décision ?

E.P. : Bien sûr, le PS aura la nécessité d’obéir et s’il ne le fait pas, il y a ce que l’on appelle une astreinte en droit français, c’est-à-dire une condamnation à une indemnisation pécuniaire journalière. On ne peut pas le forcer à le faire mais s’il ne le fait pas, il est condamné à payer des indemnités à mes clients chaque jour, dont le juge fixera le montant. Sincèrement, entre payer un montant de 10 000 ou 20 000 ou 30 000 euros par jour de retard pour ne pas organiser la primaire ou l’organiser… L’autre possibilité, mais je verrai avec mes clients, c’est que l’on propose de faire éclater la direction actuelle du Parti socialiste. Les gens qui sont à sa tête ne suivent pas les statuts par lesquels ils sont tenus et par lesquels ils sont tenus parce qu’ils sont également militants, comme tous les militants, et comme tous les adhérents. Je peux faire les deux choses en même temps mais je n’ai pas encore choisi, stratégiquement… Est-ce qu’on demande à Jean-Christophe Cambadélis de démissionner et de nommer quelqu’un à la place qui va organiser les primaires ou est-ce qu’on le force lui à organiser les primaires avec une astreinte.

Les statuts sont très clairs. Ils obligent les membres du Parti socialiste à organiser cette primaire

RT France : Le président de la République, qui est également membre du PS, doit-il lui aussi obéir à cette règle ?

E.P. : Oui, bien sûr, il y est tenu. Sauf s’il déchire sa carte du PS et qu’il se présente en candidat indépendant. Il n’a pas le choix. Les statuts sont très clairs. Ils obligent les membres du Parti socialiste à organiser cette primaire. Tout adhérent doit participer, qu’il soit candidat ou dirigeant. S’il est dirigeant il doit organiser, s’il est candidat et qu’il est membre du Parti socialiste, il doit se soumettre au système de la primaire.