Goodyear : une volonté de criminaliser tout mouvement social

La France adopte des mesures de répression très dures contre tous ceux qui protestent contre les politiques du gouvernement, estime la secrétaire nationale du Front de gauche, Martine Billard à propos de l’affaire Goodyear.

RT France : Pourquoi pensez-vous que la décision du tribunal à l’égard des syndicalistes de Goodyear est injuste ?

Martine Billard : Retenir des cadres dans un bureau est une pratique très fréquente en France lors des conflits sociaux. Mais la grande première, c’est le fait que cette fois-ci, la justice a prononcé une peine de prison ferme. C’est du jamais vu en France et c’est pour cela que nous protestons tous. 

Il faut savoir que le jugement a été rendu mardi dernier, en fin d’après-midi, et en moins de huit jours, notre pétition de soutien a déjà recueilli quasiment 113 000 signatures. Ce qui prouve qu’il y a vraiment une émotion très forte dans le pays contre une telle décision.

Et ce qu’il faut voir, c’est que cette décision, en fait, intervient dans un contexte de répression très dure, que ce soit contre les salariés, contre les syndicalistes paysans et contre tous ceux qui protestent contre les politiques du gouvernement. Une répression appliquée plus systématiquement à l'encontre des partisans de l'aile gauche du Parti socialiste, contrairement à ceux qui sont plus dans la ligne gouvernementale.

RT France : Pourquoi une telle répression de la part d’un gouvernement socialiste ?

Martine Billard : Cela devient difficile de dire que c’est un gouvernement de gauche. Je crois que la peur de ce gouvernement, c’est d’avoir sur sa gauche une opposition et des luttes sociales qui mettent en cause sa politique. Donc, c’est pour ça que finalement, depuis le début, on s’est beaucoup battus, au Front de gauche, pour obtenir une loi d’amnistie pour les syndicalistes et les militants associatifs qui ont été condamnés sous Nicolas Sarkozy, dans le cadre d’actions militantes. François Hollande l’avait promis, notamment à Jean-Luc Mélenchon et à moi-même, lorsqu’on avait été reçus à l’Elysée. Il n’a pas tenu sa promesse, la loi n’ a finalement pas été transmise au Sénat après son approbation par l’Assemblée nationale. Et depuis, ce gouvernement et François Hollande sont partis dans l’idée qu’il fallait casser toutes velléités de résistance à sa politique et de fait, poursuit celle que menait son prédécesseur.

RT France : Jean-Luc Mélenchon a parlé dans sa tribune de la criminalisation de l’action syndicale. Est-ce que vous pensez que c’est une tendance ?

Martine Billard : Oui, on peut tout à fait le dire. C’est le cas des ex-salariés de Goodyear. Il y a les salariés d'ERDF qui viennent aussi d’être condamnés, dans leur cas, avec sursis, aussi pour avoir pratiqué des modes d’action qui sont très courants en France. On constate ces jours-ci une forte répression à l’encontre des paysans qui luttent contre la construction du nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, des tracteurs ont été saisis. Ils ont été interpellés, ils ont été mis en garde à vue et présentés à un juge en comparution immédiate avec des chefs d'inculpation très lourds puisqu’il s’agit de mise en danger de la vie d’autrui, aggravée par le fait qu’il s’agit de membres des forces de l’ordre. Donc, il y a vraiment une volonté de criminaliser tout mouvement social, soit le mouvement syndical d’une entreprise, soit le mouvement syndical paysan ou même les militants associatifs. 

RT France : Pensez-vous que la pétition va atteindre son but ? 

Martine Billard : Je crois que ce qu’il faut souligner, c’est que la justice en France est indépendante, sauf dans le cas de Goodyear. L’entreprise avait retiré sa plainte et c’est le parquet sur instruction du ministre de la Justice qui a lancé des poursuites contre les syndicalistes. Donc, c’est une volonté qui vient directement du gouvernement. Le parquet en France n’est pas indépendant, contrairement aux juges. 

A mon avis, avec quasiment 113 000 signataires à cette heure-ci, on est en moyenne à 1 000 signatures par heure depuis une semaine, je pense que les autorités vont effectivement reculer lorsque l’affaire sera jugée en appel, parce que de toute façon, nous serons très nombreux au tribunal ce jour-là.