Zelensky et l'État ukrainien : un départ qui ne changera rien

Les rumeurs suggèrent que Zelensky est sur le départ, perdant le soutien occidental, confronté à un mécontentement populaire en Ukraine. Pourtant, pour Karine Bechet-Golovko, il ne faut pas se faire d'illusions : un nouveau chef ukrainien ne changera pas le cours des hostilités car l’Ukraine a déjà perdu sa guerre. Et c’était en 2014.

Les médias regorgent de bruits de couloir selon lesquels Zelensky serait politiquement terminé, sur le départ – et ce dans tous les sens du terme. Certains parlent d’un possible exil, qu’il serait en train de préparer. D’autres estiment qu’il n’a plus la cote ni chez les globalistes européens, ni chez les globalistes américains, qui seraient prêts à le lâcher.

Pour preuve, un étrange pseudo-Maïdan s’empare de Kiev, parce que les Ukrainiens, enrôlés de force, vivant dans des conditions de plus en plus précaires, n’ont évidemment rien de plus à cœur que de se battre pour des agences anti-corruption factices, qui de toute manière n’ont absolument pas empêché la corruption de gangréner ce qui reste des institutions ukrainiennes.

Les globalistes seraient fatigués de payer, surtout quand Zelensky en arrive à demander le paiement des salaires de soldats ukrainiens, qui partent mourir pour le Monde global et pas pour l’Ukraine. Qui partent mourir, pour que les Européens n’aient pas à envoyer leurs hommes se battre contre la Russie.

Que Zelensky se soit décrédibilisé, c’est incontestable.

Que le capital politique de Zelensky soit épuisé, c’est une évidence.

Qu’il va bien falloir changer le visage de la fonction présidentielle ukrainienne, c’est inévitable.

Mais cela veut-il pour autant dire que « l’Ukraine a perdu la guerre » ? C’est un pas, qu’il ne faut pas franchir trop rapidement, car il entraînerait des conséquences auxquelles on évite en général bien soigneusement de penser, dans la précipitation de voir « tout se terminer », dans l’attente que « tout redevienne comme avant ».

Dire que « l’Ukraine a perdu la guerre », implique tout d’abord la reconnaissance de l’Ukraine comme État. Or, juridiquement, l’État ukrainien n’existe plus au minimum depuis 2014, lorsque suite au Maïdan ce qu’il restait des institutions étatiques après la révolution Orange de 2004 est passé sous contrôle extérieur direct. Autrement dit, « l’Ukraine » n’a pas perdu la guerre maintenant, elle l’a perdue au minimum en 2014 suite à l’agression globaliste et depuis n’existe plus.

Ensuite, affirmer que « l’Ukraine a perdu la guerre » sous-entend que les cobelligérants à ce conflit sont l’Ukraine et la Russie. Or, la Russie ne se bat pas « contre » l’Ukraine, mais « en » Ukraine contre les pays de l’Axe atlantiste.

La configuration du conflit en ressort différente, beaucoup plus complexe. En l’état des choses, la Russie a l’avantage sur le front. Mais rien ne dit que cette configuration sera éternelle, que les Atlantistes ne vont pas faire évoluer leur stratégie, afin de faire perdre son avantage à la Russie. Il peut s’agir d’un élargissement du front, de l’ouverture de nouveaux fronts, voire d’une implication plus directe si le risque de défaite se fait réellement sentir pour eux.

Cette guerre revêt un caractère existentiel, et pour la Russie, et pour les élites globalistes. Ni la Russie, ni les élites globalistes ne peuvent se permettre une défaite.

Enfin, affirmer que « l’Ukraine a perdu la guerre » procure une dangereuse illusion, que tout est terminé, qu’il suffit juste de négocier et Zelensky apportera la capitulation de l’Ukraine, puisque les Atlantistes sont fatigués de lui. Ce qui implique que Zelensky soit une véritable figure politique, ayant une capacité de décision... alors que le pays est tenu de l’extérieur. À ce niveau, ce n’est plus même de la « pensée complexe », mais simplement de la fantasmagorie.

Parallèlement, nous entendons de plus en plus d’affirmations, selon lesquelles Trump pourrait éconduire Zélensky vers la sortie dès septembre. Bref, d’un côté nous avons un Zélensky – dirigeant d’un pays souverain, qui peut signer « la paix » avec la Russie, et d’un autre côté « en même temps » un Zélensky qui attend de se faire sortir par le patron Trump.

Nous apprécierons la logique de ce raisonnement à sa juste valeur.

Cela doit nous conduire à nous poser une question : que changerait alors le départ de Zélensky ?

Rien. Et peu importe qui remplacera Zélensky, puisque ce ne sera pas une figure politique.

Nous ne sommes pas dans la configuration des Première et Seconde Guerre mondiales, qui étaient des guerres d’État, des guerres entre les États. Donc dans lesquels les chefs d’États des pays belligérants avaient un véritable pouvoir de décision. Nous sommes dans une guerre, où les élites dirigeantes, apatrides, utilisent les ressources des États qu’elles contrôlent pour la défense de leur intérêt propre, supérieur à l’intérêt national. En ce sens, il s’agit plus de la Première Guerre globale, conduite contre les États, que d’une Troisième Guerre mondiale, qui se déroulerait entre États.

Dans ce paradigme, Zelensky peut être remplacé par un autre figurant, qui bénéficiera un temps d’un nouveau capital politique, sans que cela ne change le cours des hostilités – sauf si l’illusion ainsi produite est intégrée par l’autre partie au conflit (en l’occurrence la Russie), ce qui conduirait cette illusion à produire alors des effets politiques aussi délétères que réels, allant à l’encontre des propres intérêts de la Russie.

Peut-être faut-il chercher ici la raison de ce tapage politico-médiatique ?